Pour les économistes aveuglés par les lois du marché, la mondialisation libérale signifie le progrès. Cette équation a été le discours unique de la Banque mondiale pendant des décennies, et heureusement il a commencé plus récemment à se modifier. Mais à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), les ultralibéraux continuent à avoir la main haute en proposant un modèle de libéralisation sauvage qui a montré sa faillite pour les agricultures des pays du Sud. Pour les pays du Nord, qui ont depuis des décennies mis en place des systèmes de protection, les propositions de l’OMC désavantagent les petits producteurs qui occupent les territoires.
Olivier De Schutter, actuellement rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à l’alimentation, a préparé un dossier sur l’état actuel de la libération économique dans le domaine agricole. Le Rapporteur Spécial sur le droit à l’alimentation lance un appel aux Etats de ne pas accepter les négociations dans le cadre de l’OMC qui ne seraient pas compatibles avec les droits dans le domaine de l’alimentation. Le rapport doit être présenté à Pascal Lamy, directeur général de l’OMC, en mars 2009.
Pour Olivier de Schutter, les produits agricoles ne sont pas des marchandises comme les autres; et le commerce n’est pas une panacée pour résoudre le problème de la faim dans le monde. Selon les analystes, le rapport de M. De Schutter plaide pour une révision des conceptions qui président à la libéralisation. Les obligations qui résultent des propositions de l’OMC sur la libéralisation de l’agriculture auraient comme conséquences de privilégier les gros producteurs et de marginaliser les plus petits. Or, les grandes productions sont peut-être très productives, mais elles nuisent souvent à l’environnement et on de moins en moins de valeurs nutritives ou de valeur ajoutée locales. D’autre part, ce sont les petits producteurs qui contribuent le plus au développement de leur localité et à la diversité des produits locaux.
Jusqu’à maintenant, les aides de la Banque mondiale ont incité les pays à se spécialiser dans des secteurs où, supposément, ils bénéficiaient d’avantages comparatifs. L’exemple le plus souvent cité est celui du coton pour l’Afrique de l’Ouest. La logique était d’engranger suffisamment de devises qui permettraient d’importer de quoi nourrir leur population pour un prix inférieur à ce qu’ils auraient pu produire eux-mêmes. Mais ces spécialisations ont développé des dépendances (à des marchés mondiaux, à des monopoles, etc) alors que les pays perdaient leur capacité en termes de souveraineté alimentaire, en biens agricoles de base. Sans compter la spéculation qui a soumis ces pays à des problèmes insurmontables.
« Elle [la libéralisation] n’est pas plus favorable au consommateur, confronté à une forte hausse des prix, qu’au petit producteur, auquel on paye un prix de plus en plus faible. En revanche, la chaîne de distribution s’allonge, ce qui contribue à enrichir divers intermédiaires« , explique M. De Schutter.
Ce qui complique encore plus la situation, dont ne tiennent aucunement compte les fonctionnaires des institutions internationales, c’est la crise agricole prévisible de ces pays dans le contexte des changements climatiques. Les pays du Sud, les moins nantis et les plus fragiles d’un point de vue agricole, sont les plus exposés à l’évolution du climat. On estime que la population mondiale atteindrait autour de 9 milliards d’individus en 2080; la faim pourrait menacer 600 millions de personnes de plus que ceux qui souffrent actuellement de ce problème, en raison de la progression des zones arides ou semi-arides, du manque d’eau et des effets du réchauffement climatique, auquel contribue massivement le mode actuel de production. Selon le rapporteur spécial de l’ONU, ce n’est plus sur des scénarios de libéralisation qu’il faudrait travailler, mais sur des scénarios de protection.
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