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Le samedi 23 avril 2022

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Il faudrait poursuivre les agences de notation en justice

Dans un billet reproduit sur OikosBlogue l’an passé, Camille Nicolas avait dressé un long réquisitoire contre les agences de notation. Elle partait de la dégradation brutale de la note du Portugal par Moody’s, qui avait déclenché la colère des États et un soupçon de collusion avec les spéculateurs : une dégradation de quatre niveaux d’un coup, avec passage en catégorie spéculative, sans aucun élément factuel nouveau, au moment même où le pays venait d’adopter un plan de rigueur exigeant, cassant ainsi ses efforts de redressement. Depuis la fin des années 1990, les agences de notation sont au cœur de plusieurs controverses. Parmi les plus connues, mentionnons le scandale Enron en 2001 et la débâcle des subprimes de 2007/2008.

Trois principales critiques peuvent être faite aux firmes de notations : l’opacité de leurs méthodes de notation, la forte concentration du secteur de la notation, enfin les conflits d’intérêts apparus en leur sein du fait que leurs revenus proviennent essentiellement des émetteurs de dettes quelles notent. Rappelons qu’à la veille de faire faillite, la société Enron bénéficiait d’une excellente notation et que la crise de 2007/2008 est due, en grande partie, au défaut de produits structurés bénéficiant de notes élevées, parfois triple A, malgré la complexité qui les caractérisait, rendant difficile d’établir des diagnostics corrects. Comment, dans ce contexte aucun État n’a encore poursuivi ces firmes ? Pour moins que ça, n’importe quel autre analyste aurait été passé devant les tribunaux. Probablement que les réseaux d’influence de ces firmes avec l’oligarchie dominante est tissé trop serré…

Heureusement, c’est du côté des acteurs de la société civile que nous viennent les premières actions. Déjà en 2011, la plus haute instance pénale espagnole a été saisie d’une « plainte contre les oracles des marchés ». Une dizaine d´avocats représentant deux organisations, l’Union des libertés civiles et ´Observatoire des droits économiques et sociaux, ont lancé une poursuite devant l’Audience Nationale contre les trois principales agences de notation des marchés financiers. Selon eux, Moody´s, Standard and Poor’s et Fitch ont « altéré les cours des marchés » pour leur bénéfice et celui de leurs clients et ont « porté préjudice au Trésor public et aux petits investisseurs », ce qui constituait un conflit d´intérêts. Je n’ai trouvé sur le web aucune trace des suites qui ont été donné à cette affaire.

L’année précédente, le parquet de Trani, dans le sud de l’Italie, avait ouvert une enquête pour manipulation de marché à la suite d’une plainte déposée par des associations de consommateurs contre un rapport de Moody’s, datant de mai 2010, qui avait eu un effet négatif sur les cours de Bourse des banques italiennes. Le parquet de Trani avait d’abord classé sans suite les poursuites intentées contre Moody’s car l’enquête n’a pas permis de conclure à « l’intention des auteurs » de ce rapport de « fournir aux marchés financiers des informations tendancieuses et pouvant provoquer une manipulation des marchés ». Mais l’enquête avait ensuite été élargie à Standard and Poor’s pendant l’été 2011, puis l’agence Fitch en janvier 2012 pour des raisons semblables. En janvier 2012, les enquêteurs italiens ont procédé à des perquisitions et des saisies de documents et courriels aux sièges respectifs de Fitch et S&P à Milan (nord). Plus récemment, le parquet de Trani a demandé le renvoi en justice de dirigeants des deux agences de notation (Standard & Poor’s et Fitch) pour « manipulation de marché », estimant qu’ils avaient abaissé la note de la Péninsule à des fins spéculatives. Selon les associations italiennes qui ont porté plainte, les dégâts subis seraient de l’ordre de 120 milliards d’euros. Si cette procédure judiciaire débouchait sur un renvoi en justice, ce serait probablement l’un des premiers procès de ce genre au monde.

Mais la jurisprudence internationale commence à se préciser puisqu’en novembre dernier, la justice australienne aurait condamné Standard & Poor’s à verser des compensations à des collectivités locales ayant englouti des millions de dollars dans des titres très bien notés par l’agence américaine qui s’étaient effondrés à l’approche de la crise financière de 2008. La firme a déclaré qu’elle ferait appel, mais ce qui est encourageant c’est que le directeur exécutif de IMF Australia, une société privée qui finance les plaintes collectives, a indiqué qu’il préparait de nouvelles plaintes de ce type aux Pays-Bas et au Royaume-Uni avant la fin de l’année.

Discussion

2 commentaires pour “Il faudrait poursuivre les agences de notation en justice”

  1. Le Québec, floué de plus 10 milliards par Toronto !

    http://www.vigile.net/Le-Quebec-floue-de-plus-10

    Écrit par Jean Claude Pomerleau | janvier 31, 2013, 11 h 57 min
  2. Écrit par Jean Claude Pomerleau | janvier 31, 2013, 11 h 58 min

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