L’auteur invité est Darwin, le blogueur de Jeanne Emard.
On a tous déjà entendu cet argument qui se veut final dans un débat sur l’importance de la dette des États. Je l’ai lu aussi bien à propos de la dette québécoise que celle des pays européens ou de celle des États-Unis.
Si cet argument a un certain sens quand une discussion porte sur la dette personnelle (si on ne rembourse pas, nos descendants devront le faire ou nos créanciers se saisiront de nos actifs), il est juste faux quand il concerne les États : non, les États ne doivent pas rembourser leurs dettes!
Obligation de rembourser la dette
Il est en fait très rare qu’un État rembourse sa dette. D’une part, il n’a pas l’échéance de sa vie comme le commun des mortels. D’autre part, il peut bien la rembourser un peu quand il fait des surplus, comme le Canada l’a fait dans les années 1990, mais ce n’est pas fréquent. En général, un État se contente de faire diminuer le ratio de la dette sur le PIB. Il ne le fait pas en la faisant diminuer comme tel, mais en la faisant augmenter moins rapidement que son PIB. Il évite ainsi les chocs qui feraient souffrir sa population. C’est d’ailleurs ce qu’a fait le Québec en faisant diminuer le ratio de sa dette brute sur le PIB de 59,2 % en 1998 à 50,1 % en 2008, une baisse de plus de 15 %, comme on peut le voir sur le graphique qui suit, tiré du plan budgétaire de 2013-2014.
Notons que les pourcentages précis peuvent varier selon les documents, en raison des changements dans la définition de la dette et des méthodes comptables pour la calculer (comme on peut le voir dans la partie droite du graphique), mais cela ne change rien au principe que le Québec n’a jamais fait baisser le montant de sa dette durant cette période! Il s’est contenté de la faire augmenter moins rapidement que son PIB.
Cette façon de faire n’a rien de spécial. Comme le décrit bien Paul Krugman dans son dernier livre, c’est exactement ainsi que le ratio de la dette sur le PIB des États-Unis est passé de plus de 120 % à la sortie de la Deuxième Guerre mondiale à 60 % en 1962 sans en avoir remboursé un seul sous! Mieux, ce ratio a diminué à environ 35 % en 1975 et n’a recommencé à augmenter qu’à l’arrivée de Ronald Reagan à la présidence des États-Unis au début des années 1980. Mais, ça, c’est une autre histoire…
Et alors…
Soyons clair : oui, la dette des États peut devenir un gros problème. Le ratio de la dette sur le PIB de la Grèce est de fait dramatique à 160 %. Mais pas parce qu’il est à 160 %, parce que ce pays a une économie dysfonctionnelle. Celui de la Grande-Bretagne était moins dramatique à 260 % à la sortie de la Deuxième Guerre mondiale, de même que celui du Japon aujourd’hui à 200 %!
Par contre, il faut réaliser que les comparaisons entre les finances des États et celles des ménages est ridicule, comme je l’ai montré au début de cet article. C’est aussi ridicule que lorsque des populistes, y compris Barack Obama, disent que l’État doit se serrer la ceinture quand l’économie va mal. Ce n’est pas que ridicule, c’est nuisible, car cela empêche de trouver à des crises des solutions qui heurteront moins la population.
Il est tout aussi ridicule de se demander quand les États rembourseront leur dette, car ils ne le feront jamais! Et c’est bien ainsi!
Pour lire le texte original, avec ses nombreux hyperliens, on va sur le blogue Jeanne Emard.
Non seulement Darwin a raison, mais il omet un des facteurs essentiels de réduction du poids de la dette quand bien même on l’Etat, mais aussi les acteurs privés) la rembourserait pas. Ainsi, le Trésor Public français a placé le 7 février 2013 pour 1,77 milliards d’euros d’obligations du Trésor à 15 ans, au taux de 1,83 %. Supposons que, au cours de ces 15 ans, le taux d’inflation moyen soit de 2 % par an. Chaque année durant 15 ans, le Trésor public versera 32,4 millions d’euros au titre des intérêts. Mais chaque année, les détetenteurs de ces obligations perdront 35, 4 millions en pouvoir d’achat, du fait de l’inflation. Gain net annuel pour le Trésor : 3 millions. Au bout des 15 ans, les détenteurs auront encaissé 553 millions, mais le pouvoir d(achat de leus titres aura reculé de 612 millions. Gain net pour le contribuable : presque 60 millions. Et si, par quelque volonté de la Banque centrale européeene, le rythme d’inflation passait de 2 à 3 %, les détenteurs ne gagneraient pas plus (le taux d’intérêt est fixe), mais ils perdraient en pouvoir d’achat 465 millions. Ce qui effacerait en 15 ans un quart du montant de l’emprunt sans qu’il y ait eu le moindre remboursement. C’est aussi grâce à l’inflation que les Etats-Unis se sont désendettés au sortir de la guerre, que la France a payé ses guerres coloniales et que les baby-boomer ont pu acheter leurs maisons : en 1971, j’ai emprunté 150 000 F de l’époque. Chaque année en moyenne entre 1971 et 1991 le F a perdu 7,9 % de son pouvoir d’achat, alors que, chaque année, je payais 4,5 % d’intérêt. Tout s’est donc passé comme si j’avais remboursé 68500 F sur mon meprunt initial. L’inflation m’a permis de diviser ma dette initiale par un peu plus de 2 (2,19). L’inflation est un mal surtout pour les rentiers, pas pour les endettés, pas pour les entreprises qui investissent, pas pour les Etats endettés.
Cet article confond deux problèmes :
1/ le remboursement d’une dette contractée dans le passé suite à une émission de titres (ou bons)
2/ le fait que pour effectuer ces remboursements l’Etat s’endette de nouveau et même augmente l’encours de sa dette.
Jusqu’à preuve du contraire, les USA et le Canada ont remboursé (au premier sens du terme). Par contre, des dettes ont été annulées pour des Etats de Pays du Sud.
BB