L’auteur invité est Bernard Léon.
L’économiste américain James K. Galbraith a plusieurs fois affirmé que si le système judiciaire ne faisait pas son travail en n’ouvrant pas le procès des agences de notation, du système financier, et des responsables publics complices, le système de marché ne pourrait pas être rétabli.
Rappelant, lors du forum des associations qui s’est tenu fin janvier, à la Cité Universitaire, les paroles qu’il avait formulées dans une réunion de l’Association des Economistes Atterrés, j’ai été étonné de la réaction favorable de l’assemblée.
Je pense donc nécessaire de lancer un appel pour que ce procès soit ouvert. Pour commencer par un débat public, puis ensuite, si possible, continuer dans une enceinte judiciaire.
Commençons par les agences de notation
Les agences de notation sont des entreprises privées, chargées de donner une opinion, en principe indépendante, appelée notation financière, sur la solvabilité des entreprises et des collectivités, notamment les Etats, en tant qu’emprunteurs.
Elles sont peu nombreuses. Trois d’entre elles dominent ce marché : Fitch, Moody’s, et Standard & Poor’s.
Le problème est qu’elles ne sont pas à l’abri des fraudes et des erreurs. Dans son livre Les agences de notation, publié à La Découverte, Norbert Gaillard, consultant pour la Banque mondiale, note dès son introduction :
« Depuis la fin des années 1990, les agences de notation sont au cœur de plusieurs controverses. La crise asiatique de 1997/1998, le scandale Enron en 2001, et plus récemment, la débâcle des subprimes de 2007/2008. »
Puis il souligne trois critiques qu’on peut leur faire. Une première, sur l’opacité de leurs méthodes de notation, une deuxième, sur la forte concentration du secteur de la notation, une troisième, qui concerne les conflits d’intérêts apparus en leur sein du fait que leurs revenus proviennent essentiellement des émetteurs de dettes quelles notent.
Rappelons pour l’histoire, qu’à la veille de faire faillite, la société Enron bénéficiait, de la part des agences, d’une excellente notation, et que la crise de 2007/2008 est due, en grande partie, au défaut de produits structurés bénéficiant de notes élevées, malgré la complexité qui les caractérisait, rendant difficile d’établir des diagnostics corrects.
Dès lors, on peut se poser très sérieusement la question. Pourquoi des Etats souverains, des États européens, acceptent-t-il d’être jugés, d’être condamnés, d’être déstabilisés, par trois entreprises privées ? Pourquoi des entreprises privées peuvent-elles imposer leur loi à des états souverains ? La réponse viendra un peu plus loin.
Continuons par les banques. Même le plus ignorant sait aujourd’hui à quel point leur incapacité à se gérer elles mêmes, (à s’autoréguler, comme on dit), a pu peser dans la crise des années 2007/2008.
Concentrons nous sur l’une des plus connues d’entre elles, la banque Goldmann Sachs.
Pour commencer, reprenons une information d’avril 2010. On apprenait que cette banque était, comme nous le disait Rue 89, « dans ses petits souliers ». Parce que le gendarme de la bourse aux Etats-Unis, la SEC, avait décidé d’ouvrir des poursuites contre elle, pour fraude. Ses dirigeants étaient accusés de s’être enrichis au détriment de leurs clients. Comment ? En ayant spéculé sur l’effondrement des produits de type subprimes que la banque vendait à ses clients. Elle leur avait, par exemple fait acheter des produits contenant des subprimes d’un de ses riches clients : John Paulson
On retrouvera ce même comportement de Goldman Sachs un peu plus tard vis à vis de la Grèce. Après avoir aidé la Grèce à camoufler sa dette, contre rémunération bien sur, elle continue à lui apporter ses conseils, mais en même temps, conseille à ses clients d’acheter des produits spéculant sur sa défaillance. C’était, objectivement, une spéculation contre l’Euro, et l’Europe aurait du réagir.
D’autant plus qu’un ancien Chef Economiste de la Banque Centrale Européenne, Otmar Issing, signait un article contre la Grèce dans l’influent Financial Times, comme ancien de la BCE, alors qu’il était, à l’instant même, conseiller de Goldman Sachs.
Et finissons par l’oligarchie
Pourquoi, donc, rien ne se passe-t-il ? Pourquoi ni les Etats, ni l’Europe ne bougent-ils pas ?
La réponse nous est donnée par les analystes de la vie économique et politique du monde contemporain qui montrent que la cupidité est devenue la règle qui régit la banque et la finance, que cette cupidité détruit chaque jour les institutions de la démocratie, qu’elle instaure, chaque jour à sa place, ce que Hervé Kempf décrit dans son dernier livre, une ‘’oligarchie’’, c’est-à-dire le pouvoir de quelques-uns sur tous. Une oligarchie de la richesse, une oligarchie au service de la richesse.
Et c’est bien pourquoi l’indignation monte de toutes parts, l’esprit de résistance gagne de toutes parts. Car il vient un temps où trop c’est trop ! En Tunisie comme en France.
Et c’est bien pourquoi, il nous faut de toute urgence livrer le combat du droit, le combat de la démocratie, le combat de l’éthique et de la vertu, pour réguler les comportements de cette oligarchie qui comprend quasiment la majorité de la finance internationale, des banques, des entreprises transnationales, et des hommes politiques qui les soutiennent.
Et c’est bien pourquoi, il nous faut suivre les conseils de J. K. Galbraith, et demander à notre système judiciaire, tant qu’il est encore libre, d’ouvrir le procès des membres de cette oligarchie, nationale et internationale.
Et c’est bien pourquoi, pour reprendre les paroles mêmes de Galbraith, « il faut un nettoyage ouvert et radical du secteur financier, incluant les responsables publics qui se sont montrés indignes de la confiance de la population. Il faut faire sentir aux responsables du secteur financier les rigueurs de la loi jusqu’à glacé leur cœur, à fin que toute ambiguïté disparaisse aux yeux du public qui respecte la loi. »
Pour lire le texte original, on va sur REPORTERRE, le site de l’écologie.
Une agence de notation au coeur du désatre financier de la Caisse de dépôt en 2008 :
http://www.vigile.net/Caisse-de-depot-la-fraude-du