Communiqué public GEAB N°71 (15 janvier 2013) – Jusqu’à présent le déroulement de la crise a été fidèlement décrit suivant les cinq phases identifiées par notre équipe dès mai 2006 (GEAB n°5) et complétées en février 2009 (GEAB n°32) : déclenchement, accélération, impact, décantation et dislocation géopolitique globale, les deux dernières étapes se développant simultanément. Dans les derniers numéros et notamment le GEAB n°70 (décembre 2012), nous avons abondamment commenté les processus en cours des deux dernières phases, une décantation d’où émerge péniblement le monde d’après sur les décombres de la dislocation géopolitique mondiale.
Mais nous avions sous-estimé la durée de la période de décantation que nous traversons depuis plus de quatre ans, période durant laquelle tous les acteurs de la crise ont œuvré à un but commun, gagner du temps : les États-Unis, en faisant tout pour empêcher l’apparition de solutions alternatives au dollar, malgré la situation catastrophique de tous ses fondamentaux systémiques, pour empêcher ses créanciers de les lâcher (décrédibilisation des autres monnaies y compris désormais le Yen, acharnement contre les tentatives de déconnecter le pétrole du dollar, etc…) ; le reste du monde, en mettant en place d’habiles stratégies consistant à la fois à maintenir son assistance vers les États-Unis pour éviter un effondrement brutal dont il serait le premier à souffrir, et à bâtir en même temps des solutions alternatives et de découplage.
En conclusion de cette longue période d’apparente « anesthésie » du système, nous estimons nécessaire d’introduire une sixième phase dans notre description de la crise : la dernière phase d’impact qui interviendra en 2013.
Les États-Unis ont certes cru que le reste du monde aurait éternellement intérêt à maintenir l’assistance respiratoire artificielle de son économie mais il est probable qu’ils ne le croient plus aujourd’hui. Quant au reste du monde, les derniers chapitres de la crise US (crise politique majeure, paralysie décisionnelle, évitement de justesse de la falaise fiscale, perspective d’un défaut de paiement en mars, et toujours incapacité à mettre en œuvre la moindre solution structurelle) l’ont convaincu de l’imminence d’un collapsus, et tous les acteurs sont aux aguets du moindre signe de basculement pour se dégager, conscients que ce faisant ils précipiteront l’effondrement final.
Notre équipe estime que dans le contexte des tensions extrêmes induites par le prochain rehaussement du plafond de la dette américaine en mars 2013, tensions à la fois politiques internes et financières mondiales, les signes ne manqueront pas pour provoquer la disparition des derniers acheteurs de bons du trésor américain, disparition que la Fed ne sera plus en mesure de compenser, résultant en une augmentation des taux d’intérêts qui propulsera l’endettement américain à des niveaux astronomiques, ne laissant plus aucun espoir d’être jamais remboursés aux créanciers qui préfèreront jeter l’éponge et laisser le dollar s’effondrer… effondrement du dollar qui correspondra de facto à la première vraie solution, douloureuse certes mais réelle, à l’endettement américain.
C’est pour cette raison aussi que notre équipe anticipe que 2013, An 1 du Monde d’Après, verra se mettre en place cette « apuration » des comptes américains et mondiaux. Tous les acteurs tendent vers cette étape dont les conséquences sont très difficiles à prédire mais qui est aussi une incontournable solution à la crise compte tenu de l’impossibilité structurelle des Etats-Unis à mettre en place de vraies stratégies de désendettement.
Mais afin de prendre la mesure des causes et des conséquences de cette dernière phase d’impact, revenons sur les raisons pour lesquelles le système a tenu si longtemps. Notre équipe analysera ensuite les raisons pour lesquelles le choc aura lieu en 2013.
Gagner du temps : quand le monde en est à se réjouir du statu-quo américain
Depuis 2009 et les mesures temporaires pour sauver l’économie mondiale, le monde s’attend au fameux « double dip », la rechute, car la situation continue de s’empirer de jour en jour pour les États-Unis : dette publique vertigineuse, chômage et pauvreté de masse, paralysie politique, perte d’influence, etc. Pourtant, cette rechute n’arrive toujours pas. Certes, les « mesures exceptionnelles » d’aide à l’économie (taux d’intérêt au plus bas, dépense publique, rachat de dette, etc.) sont toujours en vigueur. Mais contre toute attente et à l’encontre de tout jugement objectif et rationnel, les marchés semblent toujours faire confiance aux États-Unis. En réalité, le système ne tient plus sur la confiance mais sur le calcul du meilleur moment pour se dégager et les moyens de tenir jusque-là.
Fini le temps où la Chine défiait les États-Unis de faire un second tour de quantitative easing : le monde semble s’accommoder du fait que ce pays creuse encore sa dette et s’oriente inéluctablement vers le défaut de paiement, pourvu qu’il soit debout et ne fasse pas encore trop de vague. Pourquoi les autres pays ne pressent-ils pas les États-Unis à réduire leur déficit, mais au contraire se réjouissent lorsque l’accord sur la fiscal cliff maintient le statu-quo ? Pourtant personne n’est dupe, la situation ne peut pas durer éternellement, et le problème central de l’économie mondiale est bien les États-Unis et leur dollar.
Selon l’équipe de LEAP/E2020, les différents acteurs cherchent à gagner du temps. Pour les marchés, il s’agit de profiter au maximum des largesses de la Fed et du gouvernement américain afin de faire des profits faciles ; pour les pays étrangers, il s’agit de découpler au maximum leurs économies de celle des États-Unis afin de pouvoir se mettre à l’abri au moment du choc à venir. C’est ainsi par exemple que l’Euroland en profite pour se renforcer et que la Chine en profite pour écouler ses dollars dans des infrastructures étrangères qui vaudront toujours mieux que des billets verts lorsque le dollar sera à terre. [Pour lire la suite on clique ici].
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