On ne le dira jamais assez : les riches s’enrichissent et les pauvres s’appauvrissent. On peut continuellement chercher à améliorer la situation des plus bas revenus par le biais de politiques publiques de transfert ou de redistribution de la richesse, si le problème est à la source, la redistribution devient toujours plus problématique. Depuis une vingtaine d’année, nous faisons surtout face à un accroissement de l’écart en amont, c’est-à-dire dans la distribution du revenu du travail, principalement entre le 1 % des plus hauts et le 20 % des plus bas revenus.

Selon une étude rendue publique jeudi par le Centre canadien de politiques alternatives, à 9h04 le 2 janvier, les chefs de direction les plus riches du Canada auront déjà gagné 40 237 $. C’est-à-dire que les 100 dirigeants d’entreprises les mieux payés au pays auront déjà gagné le salaire annuel du travailleur moyen en 2009. Préparé par l’économiste Hugh Mackenzie, l’étude révèle que les 100 dirigeants les mieux payés d’entreprises cotées en bourse gagnaient un salaire moyen de 10 millions $ en 2007, soit la dernière année complète pour laquelle les données sont accessibles.

Selon le rapport, le total des salaires de ces dirigeants, qui dépasse le milliard de dollars, correspond à une hausse de 22 % par rapport à l’année précédente, alors que les revenus de travail stagnent pour la classe moyenne et diminuent pour les groupes ayant les revenus les plus bas. Cette croissance s’ajoute à une décennie d’augmentations sans précédent des revenus les plus élevés.

«Au moment où votre ordinateur aura fini de redémarrer à votre premier jour de retour au bureau, le P-DG moyen aura déjà encaissé ce qu’un travailleur canadien moyen met une année à gagner. Plusieurs des 100 dirigeants les plus riches sont des banquiers, qui ont reçu récemment des milliards de dollars du gouvernement fédéral en mesures de renflouement pour racheter des prêts hypothécaire.», peut-on lire dans le rapport.

Les études de Statistique Canada confirment que l’écart entre les salariés les moins payés et les mieux payés a commencé à s’accroître dans les années 1980 et s’est élargi plus rapidement dans la décennie suivante. Le modèle de développement anglo-saxon qui s’est imposé depuis l’arrivée des Reagan-Thatcher n’a pas seulement cherché à diminuer la capacité de l’État à corriger les écarts après impôts, il a directement contribué à accroître les écarts de revenus avant impôt en s’attaquant aux instruments de protection des salariés (lois sociales et liberté syndicale).

Dans un monde rationnel, ajoute le rédacteur du rapport du Centre canadien de politiques alternatives, on ne s’attendrait pas non plus à voir le salaire moyen des 50 P-DG les mieux payés passer de 104 fois le salaire canadien moyen, en 1995, à 400 fois de nos jours. Le dirigeant le mieux payé au Canada est Mike Lazaridis, patron de Research in Motion, l’entreprise qui produit les fameux Blackberry. Il a empoché plus de 51 millions $ en 2007. Il faut avoir du culot pour affirmer, comme le font les économistes de l’Institut économique de Montréal, que ces salaires découlent de la productivité élevé de ces dirigeants. Au contraire, M. Mackenzie prévoit que les revenus des grands patrons seront plus élevés que jamais en 2008, même si la chute des marchés et le ralentissement économique provoqueront l’effondrement de la rentabilité de ces entreprises. Selon lui, la question que se pose les dirigeants ne semble plus être combien d’argent ils ont besoin, mais combien ils peuvent arracher à leur entreprise.