L’auteur invité est Christian Chavagneux, journaliste à Alternatives Economiques.
Le gouvernement américain vient de porter plainte contre l’agence de notation Standard & Poor’s. Les 128 pages de la plainte sont écrites sur un ton pas du tout diplomatique et livrent des informations intéressantes sur les pratiques de l’agence.
Le gouvernement américain n’y va pas de main morte, accusant S&P d’avoir escroqué (defraud) les investisseurs en attribuant, en toute connaissance de cause, des ratings élevés, sous estimant les risques, aux produits financiers liés au marché des prêts immobiliers subprimes.
S’appuyant sur un épais dossier de courriers internes, le gouvernement américain montre que S&P savait dès la fin 2006 que les risques sur les produits financiers liés au marché des subprimes augmentaient du fait des problèmes rapidement croissants de non remboursement de ce type de prêts. Le document montre comment, mois après mois, de mars à octobre 2007, l’agence est parfaitement consciente de la dégradation du marché mais qu’elle ne change pas la note des produits financiers liés aux subprimes.
Une sous évaluation intentionnelle des risques selon le gouvernement américain qui contribuera à soutenir la bulle financière des années 2000 dont l’éclatement aura des conséquences économiques et sociales désastreuses. Du côté des employés de S&P, on s’en amuse dès mars 2007 lorsqu’un membre de l’équipe trouve très drôle de s’inspirer du retournement du marché immobilier pour produire un texte parodiant la chanson au titre approprié Burning down the house des Talking Heads…
Les enquêtes menées dans les banques ont montré que des contrôleurs internes des risques avaient vu venir la crise et alerté leur hiérarchie, sans être entendu. Il s’est produit la même chose chez S&P : certains analystes internes ont émis des doutes et demandé à baisser les notes de produits liés aux prêts subprimes mais, comme dans les banques, ils n’ont pas été écoutés pour ne pas tuer un business juteux.
Car c’est un autre point intéressant de ce document que de donner quelques chiffres sur les commissions réclamées par S&P pour son business. On apprend ainsi qu’elle réclamait 150 000 $ pour chaque rating de RMBS, entre 500 000 et 750 000 $ pour chaque rating de CDO, des plus simples aux plus sophistiqués, auquel s’ajoutait 50 000 $ de commissions pour surveiller les CDO auxquels elle a attribué un rating… 50 000 $ pour ne rien surveiller du tout et ne pas changer les notes lorsqu’elle aurait du le faire. Mais il ne fallait pas donner des notes pourries à des instruments financiers qui rapportaient gros : les émetteurs auraient été voir ailleurs pour obtenir auprès d’autres agences les bonnes notes qu’ils souhaitaient afin de pouvoir vendre leurs produits financiers toxiques mais rémunérateurs.
Le gouvernement américain a voulu négocier avec S&P, réclamant 1 milliard de dollars de dédommagement selon Le Monde (06/02). L’agence a refusé. Elle déclare que les récriminations du ministère de la Justice sont « sans fondement factuel ni légal » et que l’Etat américain a « tort de soutenir que les notations de S&P étaient motivées par des considérations commerciales et non émises de bonne foi ». Ce n’est pas du tout l’image que l’on a à la lecture détaillée des 128 pages de la plainte. La justice tranchera car un gouvernement, enfin, a osé porter plainte.
Pour lire le texte original, on va sur le blogue de l’auteur.
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