En 1993, l’Union des producteurs agricoles (UPA) crée l’UPA Développement international (UPA DI), laquelle pratique depuis 20 ans une coopération de paysans à paysans avec une bonne trentaine d’organisations d’une quinzaine de pays d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie. Dans une perspective de développement durable et d’agriculture viable, elle soutient des organisations paysannes en valorisant en priorité l’indispensable commercialisation collective de leurs produits agricoles qui leur font très souvent défaut.
La commercialisation collective de produits agricoles en Afrique de l’Ouest : un inédit
Historiquement nous dit en entrevue son secrétaire général, André Beaudoin, « c’est au Burkina-Faso avec une organisation paysanne (l’UGCPA), au Mali avec l’organisation Faso Jigi et en Guinée-Conakry avec la fédération Fortagala, que nous avons pu donner une crédibilité au développement d’une politique agricole internationale ». La commercialisation collective à UPA-DI a effet permis de développer une bonne capacité de démonstration, du local à l’international, notamment au moment de la crise alimentaire de 2007-2008. « C’est l’enjeu du stockage de produits agricoles pour assurer la sécurité alimentaire de ces trois pays qui a fait la différence au moment de cette crise » nous dit André Beaudoin.
Durant cette sombre période, le Programme alimentaire mondial de l’ONU (PAM) faisait face à un problème de taille : alors qu’il dispose de moyens financiers moindres, il devait nourrir une partie de plus en plus importante de la population de la planète. En effet, on est passé de 750 millions d’êtres humains souffrant de malnutrition à plus d’un milliard depuis 2007. L’organisme part alors en tournée dans plusieurs pays en développement, à la recherche de mécanismes susceptibles d’atténuer les dégâts et d’approvisionner en denrées certaines régions. À cette occasion, il fait la découverte de deux organisations que l’UPA Développement international a contribué à mettre au monde et qu’elle soutient depuis 20 ans, l’une située au Burkina Faso et l’autre au Mali : il s’agit de regroupements de producteurs agricoles s’occupant de la mise en marché collective de céréales.
André Beaudoin rapporte la suite des choses en précisant que l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), en raison des pressions planétaires qui s’accentuent, décide de se frotter à son tour à cette problématique en venant appuyer le PAM et en se lançant dans la promotion de l’Année internationale de l’agriculture familiale : « Dans leur réflexion et en tenant compte de tous les éléments en place, ces gens en sont arrivés à la conclusion que, pour qu’existe une agriculture pérenne, il faut des organisations professionnelles capables d’offrir des services de pointe pour répondre, entre autres, aux exigences du marché. »
Que vient faire l’UPA dans cette galère ?
La FAO identifie l’UPA comme une organisation de référence : « On n’est pas la seule, mais, en Amérique du Nord, on peut affirmer qu’on est vraiment capables d’intervenir sur les marchés pour soutenir, en coopération, des organisations dans des pays en développement. La FAO a été séduite par l’idée de signer une entente de collaboration avec l’UPA et l’UPA DI. » de dire André Beaudoin en entrevue avec le journaliste du Devoir Réginald Harvey dans un cahier spécial daté du 2 février dernier.
À telle enseigne que la FAO a fait une entente avec l’Union des producteurs agricoles (UPA) du Québec à l’automne 2012 pour que cette dernière devienne un partenaire officiel pour les Nations Unies. À partir de là, l’UPA sera régulièrement consultée et participera à des projets internationaux destinés à combattre la faim. À titre d’exemple l’organisation malienne Faso Jigi, soutenue par l’UPA-DI, a été confirmée comme étant la meilleure organisation agricole africaine. Pourquoi? Cette organisation paysanne a non seulement permis à ses membres d’avoir de meilleurs revenus mais a aussi permis d’assurer la sécurité alimentaire du pays, notamment par une politique de stockage et d’encadrement des marchés appropriée laquelle se fonde sur la construction de marchés locaux et régionaux de biens et de services. Pour le président général de l’Union des producteurs agricoles, « cette entente vient couronner vingt ans de coopération avec des organisations paysannes de partout dans le monde. Vingt ans à tisser des liens afin de faire rayonner au-delà de nos frontières la solidarité que les agriculteurs québécois ont développée au sein de leur organisation professionnelle depuis plus de 80 ans » (communiqué de l’UPA du 15 octobre 2012).
L’entente FAO et UPA : son contenu
C’est à Rome, le 15 octobre dernier, que le directeur général de la FAO, José Graziano da Silva, et le président général de l’Union des producteurs agricoles (UPA), Marcel Groleau signaient «un mémorandum de collaboration». Cette entente vise la mise en œuvre « d’actions communes visant à promouvoir le développement d’une agriculture familiale : performante, économiquement viable, socialement solidaire, équitable et durable, structurée au sein d’organisations professionnelles et insérée dans le marché. » On notera ici la notion clé d’«agriculture familiale» laquelle vient de rebondir à l’ONU et qui a été adopté par résolution faisant de l’agriculture familiale le thème de l’année internationale 2014. Comme ce fut le cas des coopératives en 2012.
Par ce mémorandum, la FAO reconnait que la sécurité alimentaire mondiale « repose sur la capacité des agriculteurs à nourrir la planète et que pour y parvenir ils doivent pouvoir compter sur des politiques agricoles locales, régionales et nationales équitables favorisant le développement d’une agriculture familiale…». Le communiqué de l’UPA signale que même la Banque mondiale, déjà dans son rapport annuel de 2008, commençait à changer son fusil d’épaule en soulignant à larges traits que « l’agriculture familiale est aussi performante dans sa capacité à réduire la faim que l’agriculture industrielle, mais que ses effets structurants sur les peuples sont beaucoup plus positifs. Elle est la base même de la sécurité alimentaire pour de nombreux États ». La FAO va plus loin aujourd’hui et considère que le maintien et le développement de cette agriculture familiale « reposent sur des organisations professionnelles d’agriculteurs bien structurées » d’ajouter le communiqué de l’UPA. « Il était donc naturel de signer cette première entente de collaboration » d’affirmer Marcel Groleau.
L’agriculture familiale enfin reconnue
Depuis les années 80, à l’échelle internationale, nous avons assisté à un véritable délitement de l’agriculture familiale au profit d’un modèle industriel. Mais, aujourd’hui, constate enfin la FAO, ce dernier a montré ses limites. La FAO reconnaît que sans des organisations professionnelles structurées, l’agriculture familiale risque de vivre de sérieux passages à vide.
L’Union des producteurs agricoles réclamait depuis plusieurs années un Secrétariat québécois à la spécificité agricole pour faire la promotion de l’exception agricole à l’échelle internationale. L’engagement du gouvernement québécois de mettre en place une politique de souveraineté alimentaire pour le Québec s’inscrit dans cette orientation de dire le communiqué de l’UPA. « Nous sommes au début de quelque chose de nouveau. Les grandes organisations telles que la Banque mondiale et la FAO ont pris une direction claire vers un développement durable et équitable de l’agriculture et l’Union des producteurs agricoles est fière d’y contribuer activement. L’entente que nous venons de signer nous donne la légitimité et l’élan pour poursuivre notre action », a conclu Marcel Groleau. Il faut sans doute une forte dose d’optimisme pour mettre la FAO et la Banque mondiale dans le même sac mais quand même !
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