Je ne fais pas partie de ceux pour qui toutes les démarches inspirées de la responsabilité sociale des entreprises (RSE) ne sont rien d’autre que des formes différentes de l’omnipotent et l’omniscient néolibéralisme. Je considère plutôt la RSE (et la finance responsable) comme faisant partie de ces divers mouvements sociaux qui, sur le long terme, participent au mouvement global qui peut nous conduire vers une nouvelle Grande Transformation (dans la perspective de Karl Polanyi).
Je ne pense pas pour autant être un parfait crétin pour avaler toutes les couleuvres qu’essaient de nous passer les grandes entreprises multinationales, sous le couvert de transparence et de responsabilité sociale. Ces entreprises ont des moyens gigantesques pour nous tromper et nous manipuler comme des valises. Le chiffre d’affaires de certaines d’entre elles est parfois plus élevé que les budgets publics de plusieurs pays développés. Ainsi, lorsque je vois la Banque de Montréal et la Scotia être choisies parmi les 20 chefs de file canadiens en matière de divulgation de leurs stratégies de réduction de leur empreinte carbone, c’est toute la démarche des promoteurs de cette campagne qui perd de la crédibilité à mes yeux.
C’est malheureux, puisque cette démarche internationale du Carbon Disclosure Project (CDP), qui chaque année demande aux plus grandes entreprises du monde de divulguer leurs émissions de GES et les mesures qu’elles ont mises en place pour les diminuer, est cruciale. Ce type de démarche est en elle-même un sparadrap sur un enjeu qui pose la question de la vie du Terre telle que nous la connaissons jusqu’à maintenant. Néanmoins, elle est en même temps en train de construire ce que cette bande de crétins qui nous gouvernent (ex : Stephen Harper) sont incapables ou ne veulent pas faire : réguler les émissions de GES sur une base mondiale. Le CDP construit les instruments qui seront éventuellement repris par la communauté internationale lorsqu’elle prendra conscience que la vision volontariste de la RSE est un échec. Mais d’ici là, les grandes entreprises font tout pour se servir de la RSE pour contourner les réglementations publiques.
Prenons donc les cas de la Banque de Montréal et de la Scotia : même si leurs implications financières dans les sables bitumineux n’atteignent pas le niveau de la Banque royale, elles ont des milliards $ qui y sont investis. Ces banques participent au développement des sables bitumineux, qui représente une catastrophe climatique, et on les encense pour leur ‘transparence’. Les mêmes banques ont reçu plusieurs dizaines de milliards en aide financière du gouvernement canadien, sans le révéler au public, et on les encense pour leur transparence en matière de divulgation de leurs stratégies de réduction de leur empreinte carbone! Je connais les différences qui existent entre les émissions corporatives et celles qui découlent des activités des institutions financières. Mais justement, étant donné le rôle des institutions financières sur l’activité économique, on devrait garder une petite gêne avant d’encenser ces dernières.
Je comprends parfaitement le scepticisme des Québécois : selon la plus récente étude sur la consommation responsable au Québec, moins de 30% des Québécois ont confiance en l’engagement des entreprises en matière de développement durable et 20% dans les publicités environnementales des produits et services. Mais contrairement à ce déclarent les spécialistes du greenwashing, euh pardon, les spécialistes du marketing, ce n’est pas le manque de communication le problème; c’est la mauvaise foi indécrottable de la plupart des grandes entreprises qui n’ont qu’un seul objectif : le profit !
Pour cette raison, il faut considérer les Public Eye Awards comme une heureuse initiative pour contrebalancer cette vaste mascarade des prix d’entreprises responsables qui se multiplient presqu’aussi vite que le climat se dégrade. Ce « prix de la honte » vaut la peine que j’y revienne dans un billet ultérieur, mais signalons au passage que les prix 2013 ont été accordée à la pétrolière Shell et à la banque Goldman Sachs. Sur la base de 41 000 personnes à travers le monde qui ont participé à l’initiative, ces deux entreprises géantes ont été désignées comme étant les pires entreprises de l’année, la première par le vote du public et la seconde par un jury d’experts composé de professeurs, intervenants politiques, sociologues et directeurs d’ONG. Il faudrait propager l’initiative et essayer d’en faire des prix sur une base nationale.
Allo Gilles,
Je te reconnais bien pour ton franc parler et je suis tout à fait d’accord avec toi. Arrêtons de faire semblant! Par chance que nous dépistons des entreprises qui prennent des initiatives qui ont un impact significatif positif sur l’environnement et la société. Plus il y en aura, plus les entreprises qui font semblant seront décriées et deviendront, espérons le marginales. On y travaille fort. Mais, comme tu le dis si bien, c’est un long, très long processus…
Bye. Francine
Gilles,
Je suis le premier à être d’accord pour dire que les sables bitumineux sont un non sens et un manque total de responsabilité envers les générations futures.
Le principal argument des banques qui s’engagent dans l’investissement responsable est de dire qu’elle peuvent alors influencer les entreprises émettrices de GES à adopter des pratiques plus responsables.
Sans entrer dans le débat à savoir si l’on peut produire du pétrole à partir de sable bitumineux de manière responsable, je serai curieux de voir concrètement comment les banques citées ont exercercé leur droit de vote et leur pouvoir d’influence au cours des cinq dernières années…
Les couleuvres sont vraiment grosses à avaler.
Pour ajouter un élément à la discussion, j’ai appris la semaine dernière que les fonds éthiques Placements NEI (détenus conjointement par Desjardins et les credit union du ROC) avaient finalement décidé de retirer la firme Enbridge de leur univers de placement, après plusieurs années à essayer de modifier leurs pratiques d’entreprise. Ça m’apparaît un geste éthique, et financier, adéquat et conforme aux attentes de ceux qui y ont mis leurs épargnes (dont moi-même).