Alors que le nécessaire changement de paradigme dans les transports exigerait des investissements gigantesques dans les infrastructures de transport, le gouvernement canadien s’enferme plutôt dans le paradigme suicidaire de l’austérité et de la diminution des capacités d’action de l’État. Sous l’administration Harper, nous disait récemment le journaliste du Devoir Éric Desrosiers, le déficit d’investissement continue de se creuser.
Malgré que le gouvernement fédéral dispose de capacité financière suffisante, il se décharge de cette responsabilité sur les gouvernements des provinces et les municipalités. Une étude du Centre canadien de politique alternative (CCPA) estime que les gouvernements devrait dépenser annuellement des sommes de quatre à cinq fois supérieures (soit plus de 100 milliards $ contre 20-30 milliards $ à l’heure actuelle) pour redonner à l’économie canadienne les infrastructures qu’elle mérite. La part du fédéral dans les investissements en infrastructure est descendue d’un peu plus de 30 % du total en 1955, à moins de 15 % en 2010.
Dans ce domaine, comme dans bien d’autres, c’est le déséquilibre fiscal qui maintien la situation de sous-investissement dans un état chronique. « Le gouvernement fédéral a l’argent, les gouvernements provinciaux ont la compétence constitutionnelle et les gouvernements locaux ont la responsabilité de faire les investissements ». Cependant, contrairement à ce que propose le CCPA, ce ne sont pas les municipalités mais le gouvernement du Québec qui devrait avoir les pouvoirs et les moyens d’agir pour pouvoir efficacement répondre aux nouveaux besoins d’infrastructure dans le cadre d’une stratégie globale de mobilité durable.
Malgré le blocage constitutionnel de ce pays ingouvernable, le Québec peut néanmoins profiter des politiques ultralibérales de l’administration Harper (baisse de la fiscalité, non intervention publique) pour récupérer de nouvelles capacités de taxation et pour s’inscrire dans une stratégie interventionniste plus globale, visant un changement de paradigme dans les transports. Dans le rapport de recherche de l’IRÉC sur la mobilité durable, nous proposons un ensemble de formules de taxation (taxe à la congestion [péage], sur les stationnements) pour donner un nouveau ‘signal-prix’ sur les pratiques insoutenables dans le transport. Mais je vais y revenir plus longuement dans un 2e billet (la semaine prochaine). On peut s’inspirer de ce qui se fait présentement dans les États des États-Unis aux prises avec un État fédéral surendetté et des besoins urgents d’investissement dans les infrastructures.
« We’re seeing a wide variety of funding and financing proposals being put forward to address funding transportation crises, » affirme Jaime Rall, spécialiste des politiques de transport au National Conference of State Legislatures (NCSL). Les États, en particulier ceux dirigés par des gouverneurs démocrates, se cherchent de nouvelles sources de financement pour les infrastructures routières et les systèmes de transport public, souffrant de déficit chronique. Par exemple, le gouverneur démocrate du Massachusetts, Deval Patrick, considère une panoplie de mesures (augmenter la taxe de vente, la taxe sur l’essence ou encore la possibilité d’une taxe sur le millage parcourue) pour financer des investissements annuels d’un milliard $.
Selon l’American Society of Engineers, les États-Unis auraient besoin de 2 700 milliards $ d’investissements dans les infrastructures d’ici 2020, mais il manquerait 1 000 milliards $ dans l’état actuel des choses. Les capacités de financer ces dépenses seraient aggravées par les rentrées moins importantes que prévues des taxes sur l’essence : la crise économique, des automobiles moins énergivores, l’augmentation des VE, etc. D’autant plus que la taxe fédérale est restée à 18,4 cents le gallon depuis 20 ans et que certains États n’ont pas augmenté la leur depuis plus de 25 ans ! Pendant le même temps, les coûts d’infrastructures ont explosé.
Dans le prochain billet sur les transports, on abordera l’enjeu du changement de paradigme dans le transport avec des solutions concrètes.
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