L’auteur invité est Jean-Pierre Bélisle, collaborateur à Vigile.
Comme plusieurs que la commissaire présidente Charbonneau pourrait qualifier « d’imbécile ou d’incompétent », Normand Rinfret, CEO, directeur général du McGill University Health Center (le ‘CUSM’) « n’a rien vu, rien entendu ». S’il avait su, il « aurait immédiatement agi ». Mais l’éteau se resserre.
Alors donc, Arthur Porter ? Yanaï Elbaz ? Stella Lopreste ? – Normand Rinfret n’avait aucune idée de ce que ces possibles malfrats pouvaient bien tramer. Imaginez : Rinfret n’était alors que … directeur général-adjoint !
Malgré ce que nous pouvons lire ou entendre dans les médias, le véritable « bras droit » d’Arthur Porter n’était pas Yanaï Elbaz, mais bien Normand Rinfret. Elbaz n’avait titre que directeur associé, soit deux coches administratives en dessous de Rinfret. À moins, bien entendu, que les journalistes ne veuillent parler de « bras droit dans les activités criminelles » ou encore que Porter ait eu plusieurs bras droits, à l’instar des divinités indoues.
Outre ce qui a déjà été écrit, Normand Rinfret siégeait entre autres avec Arthur Porter au conseil d’administration de Syscor, cette entité corporative opaque qui a notamment trafiqué dans l’immobilier avec le renommé et puissant Chiara.
Le 4 septembre 2012, Normand Rinfret était nommé officiellement dans ses nouvelles fonctions de directeur général du MUHC, avec entrée en vigueur immédiate. La résolution du C.A. acceptait unanimement la non moins unanime recommandation du comité de sélection auquel avaient pris part des représentants du Ministère de la Santé et des services sociaux ainsi que de l’Agence régionale de Montréal. On comprend peut-être mieux pourquoi le ministre péquiste de la Santé se contenta de n’imposer qu’un accompagnateur au MUHC tout en maintenant sa confiance à Normand Rinfret peu après que le méga-scandale ait éclaté le 18 septembre dans les médias.
La petite histoire de Normand Rinfret et de son association avec Stella Lopreste et Lynn Panneton.
Rare cas dans l’administration de la Santé, Normand Rinfret n’a eu qu’un seul employeur en plus de trente ans. C’est la raison pour laquelle le président du CA du CUSM, Claudio Bussandri, dira de lui : « Normand is one of our own – he has worked at the MUHC in increasingly senior positions for more than three decades and for the past nine months as Interim Director General. The wisdom, experience and values Normand has gained during his many years with us will be a tremendous asset. »
En effet, l’essentiel de la carrière sinon la vie entière de Normand Rinfret se résume à Hôpital Royal Victoria (puis MUHC avec l’intégration). Il est un des rares (incluant le directeur des finances René Carignan qui a eu – pour sa part – l’intelligence de prendre sa retraite) à connaître toutes les ficelles administratives du milieu, à être de – ou au fait de – toutes les magouilles et des bons coups.
De fait, Normand Rinfret a commencé sa carrière à la direction des ressources humaines du très britannique et anglophone Royal Victoria Hospital.
Jeune professionnel en relations de travail ou peut-être déjà directeur (il pourra le confirmer) Normand Rinfret fait alors « connaissance » de Stella Lopreste, alors simple employée cléricale.
Rinfret, francophone qui a beaucoup d’aspirations administratives, découvre rapidement l’énorme potentiel des relations sociales de Stella Lopreste dans la communauté anglophone et l’habileté de commerce de cette dernière.
Directeur des ressources humaines du RVH, Normand Rinfret embauche Stella dans sa direction puis lui confie la fonction de responsable des relations de travail. Celle-ci n’a aucun diplôme ni expérience, mais passons, c’est lui qui la formera tandis qu’il conservera la main sur toutes les décisions.
Intermède de quelques années : Normand Rinfret accède au poste de directeur de la planification et immobilisations. C’est au cours de ces années que le couple Lynn Panneton-Normand Rinfret se cimentera.
Utile à savoir, car Lynn Panneton sera celle que Rinfret recommandera à Arthur Porter pour s’occuper (ou qui s’occupera) entre autres mais très particulièrement, des transactions immobilières personnelles de Porter. Connaissant l’art avec lequel Normand Rinfret savait préparer puis placer ses pionnes, au MUHC et même ailleurs, à plus haut niveau de la structure administrative régionale, je doute fort que la dévouée et charmante Lynn Panneton n’ait pas agi comme les yeux et les oreilles de Normand Rinfret auprès d’Arthur Porter.
Normand Rinfret rendu à la direction de la planification du RVH, son successeur Réal Gagnière se défait « honorablement » de Stella Lopreste (en raison de l’incompétence de celle-ci diront certains qui l’ont entendu de la bouche du cheval, ou peut-être encore, penseront d’autres, parce que Madame n’avait pas suffisamment de loyauté en raison de de ses trop forts liens avec Normand Rinfret).
Vient ensuite la cristallisation du projet MUHC-CUSM. Le poste de directeur des ressources humaines MUHC est affiché. Normand Rinfret l’emporte. Réal Gagnière doit partir. Que fait immédiatement Rinfret ? – il réembauche Stella Lopreste. D’abord à titre de cadre intégrateur temporaire, puis il la titularise.
C’est à cette époque que les médias font remonter l’histoire des malversations alléguées de plus d’un million de dollars de Stella Lopreste en occultant la question de savoir qui autorisait les dépenses de cette directrice et, bien entendu, sans préciser les liens historiques qui l’unissaient à Normand Rinfret.
Le méga scandale qui impliquera le Directeur général Arthur Porter puis son complice Elbaz a donc commencé le 18 septembre 2012 alors que des enquêteurs de l’Unité permanente anticorruption (UPAC) venaient de procéder à une série de perquisitions dans les locaux du Centre universitaire de santé McGill au 2155 rue Guy à Montréal.
D’après la direction du CUSM, les enquêteurs étaient à la recherche « d’information concernant le processus d’attribution du contrat de partenariat public-privé associé au site Glen »
Puis, coup de tonnerre le 21 septembre 2012, en fin d’après-midi : Radio-Canada et La Presse rapportent que La Sûreté du Québec enquêtait aussi sur des allégations de fraude de plus d’un million de dollars visant une ex-membre de la haute direction du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) : Stella Lopreste, ex DRH, aurait ainsi « pendant 10 ans falsifié ses comptes de dépense pour faire payer à son employeur une fortune en voyages, vêtements de luxe et matériel scolaire pour ses enfants ».
« Elle n’est plus à notre emploi » répondra Normand Rinfret par la bouche de son porte-parole. Les journalistes insistent pour connaître les raisons de son départ. Il y a eu une enquête interne, dont les conclusions secrètes sont archivées chez BLG (Borden Ladner Gervais un cabinet d’avocats dont l’associé principal est Guy Pratte, le frère de l’autre), et « Madame » a pris sa retraite honorablement. Peu avant sa « retraite », elle fréquentait, dit-on, assidûment Yanai Elbaz. Comme on entend à la Commission : « De quoi parlaient-ils ? »
Incidemment, un des avocats de BLG qui en savait le plus a été nommé juge à la Cour supérieure. Il sera donc au secret et non contraignable pour de très nombreuses années.
Lynn Panneton, celle de Rinfret et de Porter, est semble-t-il de retour après une mise à l’écart stratégique. Elle a été entre temps remplacée auprès de Normand Rinfret par une autre « ancienne », un peu plus jeune cependant, mais redoutablement loyale, comme toutes celles et ceux qui, aux plus hauts niveaux du secrétariat, ont « les mains dedans », ou ont vu « des mains dedans ».
Avant de quitter, Stella Lopreste a assuré sa descendance spirituelle et son héritage administratif par l’introduction d’une nouvelle directrice de sa création. Des gens du milieu racontent que son conjoint aurait été embauché chez BLG, peu avant le départ du sympathique grand sage vers la magistrature. Mais ce ne sont là que des racontars de minuit.
Quoi qu’il en soit, la nouvelle directrice aurait presque juré publiquement, raconte-t-on, qu’elle protègerait Normand Rinfret contre vents et marées.
Bref, Porter et Elbaz sont partis et ont récemment fait l’objet de mandats d’arrestation. Mais la structure génétique d’origine est toujours présente.
Le MUHC-CUSM émet à la suite ses communiqués bouleversants de repentance.
Il n’y a pour le moment aucun indice formel de la participation de Normand Rinfret à quelque malversation que ce soit. Normand est un personnage intègre.
Mais celui qui affirme ne rien savoir est toujours aux commandes et mon meilleur conseil est qu’il annonce sa retraite au plus vite, car je sens que l’étau se resserre sur lui.
D’autant plus qu’aux yeux d’un nombre appréciable d’employés et de cadres intermédiaires du MUHC, il aurait perdu beaucoup de sa crédibilité légendaire et que beaucoup de langues risquent de se délier.
Pour lire le texte original, on va sur le site de Vigile.
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