La Commission d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction (la Commission Charbonneau) a été créée, à juste titre, pour faire la lumière sur les pratiques de collusion et de corruption dans cette industrie. Comme nous avons pu l’entendre, le développement des affaires dans l’industrie de la construction impliquait de soigner ses relations avec le pouvoir, avec ceux qui accordent les contrats publics. Au cœur de ces pratiques, on trouve des professionnels de la magouille qui servent d’interface entre les donneurs de contrats (fonctionnaires, élus et partis politiques) et les entreprises. Dans ce stratagème, ce sont les grandes organisations (crime organisé et firmes de génie-conseil) qui ont joué un rôle central.
Dans un texte court, mais très ‘punché’, le journaliste du Devoir Antoine Robitaille nous montre tout le mépris qu’ont pu avoir les firmes du secteur québécois de génie-conseil sur le respect de la réglementation des liens entre ces firmes et les pouvoirs publics. Non seulement la loi sur le lobbying, nous dit Robitaille, fut méprisée par l’Association des ingénieurs-conseils du Québec, mais ils ont tout fait pour s’opposer à un durcissement de cette loi, et surtout pour qu’elle ne s’applique pas à leur secteur. Le lobbyisme, le « développement des affaires », conclut le journaliste, est propice à toutes les liaisons dangereuses, surtout lorsqu’il reste secret.
Sans tomber dans la paranoïa, il est sûr que de telles pratiques de collusion et de corruption existent dans d’autres secteurs d’activités, même lorsque les pratiques de lobbying sont très réglementées. Mais elles prennent des formes différentes étant donné les particularités des relations de pouvoir entre chacun des secteurs d’activité et l’État. Par exemple, lorsque les enjeux de « développement des affaires » portent moins sur la capacité à s’accaparer des contrats publics mais plutôt à influencer en sa faveur la réglementation publique, voire à obtenir des privilèges ou des aides fiscales, ce ne peut être que très différent comme pratiques. Je pense plus spécifiquement à l’industrie canadienne de la finance qui parvient à protéger son pouvoir d’oligopole, alors que tous les autres secteurs d’activité font face à la règle du libéralisme pur et dur. Je pense aux banques qui, en toute impunité, avec l’accord implicite des gouvernements, ont installé des succursales dans les paradis fiscaux, construisant ainsi un circuit financier opaque qui rend possible (il faudrait plutôt dire qui facilite) toutes les pratiques de collusion et de corruption à grande échelle.
La seule explication que je trouve qui permet de comprendre cette situation de favoritisme c’est que les lobbyistes (même réglementés) jouent exactement le même rôle que les professionnels de la magouille ont joué dans la construction. Les lobbys (des professionnels de la communication et du droit dûment enregistrés ou travaillant dans l’ombre) jouent le rôle d’interface entre les grandes organisations qui ont les poches pleines (que ce soit les banques dans le cas du secteur financier ou les pétrolières et minières dans le cas des ressources naturelles), les fonctionnaires (des ministères des Finances ou des Ressources naturelles) et les élus afin d’obtenir des privilèges et des réglementations en leur faveur.
Vous me dites que les pratiques de lobbying sont réglementées mur-à-mur et transparente pour éviter la collusion ? Mais il me semble que la profession d’ingénieur est aussi très réglementée, que les ingénieurs sont étroitement liés au Code des professions, qui stipule que nul ne peut « poser un acte dérogatoire à l’honneur ou à la dignité de sa profession ». Ça ne les a pas empêché de mettre en place un système de collusion et de corruption à une échelle ‘industrielle’ ! Dans ces domaines, les solutions ne passent pas seulement par des règles de transparence, elles doivent déboucher sur des institutions collectives contrôlées par leurs membres ou par des acteurs publics.
Pour le Québec, la problématique est assez simple : s’attaquer à la collusion entre l’oligopole des banques et les élus et fonctionnaires ça veut tout simplement dire s’attaquer aux grandes banques canadiennes et aux partis de droite qui profitent directement de la richesse abusive de ces entreprises géantes. Le chiffre d’affaire de la seule Banque Royale (donc son budget total de dépenses) est autour de 30 milliards $, alors que le budget du Québec est de 70 milliards $. Le pouvoir de nuisance et de corruption des banques est donc à ce point important qu’il serait urgent que le gouvernement du Québec réfléchisse à une large réforme du secteur de la finance au Québec, dont l’objectif pourrait être double : d’une part, rendre les institutions plus transparentes pour éviter l’évasion et la fraude fiscale ; d’autre part, faciliter une reprise du contrôle de l’épargne des Québécois par des institutions québécoises, de préférence collectives (telles que la Caisse de dépôt, Desjardins et les mutuelles, de manière à créer une 2e structure de surveillance).
Dans un 2e billet je vais aborder les coûts de l’évasion fiscale.
Il y a une réflexion préalable sur la fonction de la monnaie dans notre société qui devrait être bien illustré pour comprendre le fonctionnement des banques. Celles-ci se prêtent entres-elles à des taux très bas mais elles prête à fort taux aux états qui ont pourtant contribuer à leur solvabilité. Voici un lien pour quelques vidéos qui donnent le ton et l’heure juste: https://www.youtube.com/watch?v=-wbujBsvEbw&list=PLSlymF_iB_CnKHSunx6oXgQRlWuNIr4JR
[...] l’hypothèse que j’ai soutenue dans le premier de deux billets que j’ai publiés ces dernières semaines, où je me questionne sur la frontière bien ténue qui existe entre les pratiques de lobbying et [...]