Décidément, les ‘journaleux’ québécois commencent à m’emmerder royalement. Qu’avaient-ils tous à s’offusquer de la proposition européenne de taxer les comptes d’épargne chypriotes ? On dirait presqu’ils se sentaient tous concernés, menacés, comme lorsque le ministre Marceau, dans un bref moment de sagesse, très passager, avait osé proposer un taux d’imposition de plus de 50% pour les plus riches (dont les mieux payés de ces journalistes).
L’île de Chypre compte 1,1 million d’habitants, auxquels on doit soustraire les 300 000 personnes vivant dans la région contrôlée par la Turquie. Mais comme pour l’Islande, qui fut l’un des premiers à être touchés par la folie financière, la taille du secteur bancaire chypriote par rapport à son économie est énorme, gonflé par les dépôts de riches étrangers qui profitent du bas taux de taxation, voire de la complicité des banques pour faire du blanchiment. Le secteur bancaire représenterait 8 fois la taille du PIB chypriote, alors que la moyenne pour les pays de l’UE est plutôt autour de 3,5 fois.
On parle beaucoup des Russes, des super-riches, qui ont privilégié cette île en raison du climat et du partage de la même religion orthodoxe, pour y planquer leur fric et y faire des affaires louches (sur ce thème, voir la semaine prochaine la 2e partie de mon billet sur les banques et la corruption). Mais il y en a d’autres, dont des Grecs (qui refusent de faire leur part pour résoudre la crise financière de leur pays) et des Britanniques. Par ailleurs, comme pour les Québécois qui s’en vont dans le sud, beaucoup de retraités européens vont finir leurs vieux jours à Chypre pour profiter de cieux (et d’impôts) plus cléments. Enfin il y a ceux qui profitent de la myopie des banques chypriotes pour laver l’argent sale, qui est largement réinvesti en Europe – avec des encours de 72 milliards $ – ou ailleurs dans le monde. Chypre serait un des plus importants investisseurs en Russie !!! Selon diverses sources, les oligarques russes et les patriciens du Golfe Persique auraient à eux seuls déposé près de 32 milliards d’euros à Chypre.
Selon Matthew Yglesias, les investissements aussi monstrueux que désastreux effectués en Grèce, ont finalement conduit ces banques dans la dèche. On comprend, dès lors, que les pays appelés à la rescousse n’ont pas sauté de joie à l’idée de prêter des milliards d’euros pour faciliter du blanchiment d’argent russe. Je comprends parfaitement les « électeurs allemands, finlandais, slovaques et les hollandais, fatigués de renflouer, ont exigé une livre de chair de la part des créanciers des banques pour réduire le coût global de l’opération ». Pour sauver ses banques, Chypre a besoin de 17 milliards d’euros (soit plus que le PIB du pays, qui est autour de 16 milliards). L’UE est prête à leur avancer 10 milliards si Chypre peut elle-même mobiliser 7 milliards, dont une partie devait provenir de l’imposition de ceux qui profitent du ‘dumping’ fiscal pratiqué par Chypre : la Troïka a réclamé de Chypre qu’elle oblige ses déposants à une « décote » – en d’autres termes, qu’ils recouvrent moins de 100% de leurs dépôts bancaires. Ça prenait la forme d’une taxe spéciale, collectée en une fois, sur les dépôts bancaires. Au départ, le plan envisageait de prélever 6,75% sur les dépôts inférieurs à 100 000 euros (pourtant garantis dans toute l’Union européenne), et 9,9% au-delà. À elle seule, cette taxation aurait permis de mobiliser presque 6 milliards. Mais aux dernières nouvelles, on parlait plutôt de la confiscation des comptes de plus de 100 000 euros déposés dans la 2e banque du pays, qui serait mise en faillite.
À titre d’information, pour ceux qui cherchent un paradis fiscal beau, bon et pas cher, je vous signale qu’à Chypre le taux d’imposition des sociétés est de 10%, les bénéfices de la vente des titres sont exempts de taxes, les revenus sur les intérêts, les dividendes, les bénéfices de la vente de valeurs mobilières sont aussi exemptés de taxes et la location de biens immobiliers, les assurances, les services financiers et les services postaux sont exemptés de TVA. Pour les particuliers on trouve 5 paliers progressifs d’imposition, de 0 à 35% (taux maximum pour les revenus de plus de 60 000 euros). Rappelons qu’au Québec on trouve entre 3 et 4 paliers progressifs de 0 à 53% (en combinant les deux gouvernements). Dans ce contexte, la proposition d’imposition des comptes d’épargne ne m’apparaissait pas si dramatique, loin de là
Notons, pour conclure, qu’un pays comme le Royaume-Uni, qui a fait de la City de Londres la plus grande plaque tournante des paradis fiscaux, semble d’une certaine manière reconnaître un genre de droit inaliénable à ses citoyens de profiter de ces paradis fiscaux puisqu’il a rassuré ses quelque 3 000 nationaux en poste à Chypre que Londres allait leur verser des compensations au prélèvement de cette taxe !
M. Bourque il n’y a pas qu’à Londres qui reconnait le droit indéniable à certains de ses citoyens de profiter des paradis fiscaux et stratégies d’évitement de taxes. Flaherty dans son budget 2013 a fait de même pour la stratégie d’assurance 10-8. Cette stratégie créé avec pour seul but d’éviter les taxes a été éliminé par les changements introduits dans le budget 2013. Mais pour que ceux qui ont évite de payer des taxes ne soient pas désavantagés, Flaherty modifie temporairement la Loi sur l’impôt pour permettre à ces gens de retirer leur argent de polices d’assurance sans payer d’impôt ce que vous et moi ne pouvons pas faire. Personne ne sait combien cela va coûter aux contribuables. Est-ce que Revenu Québec ira de mèche avec Revenu Canada pour compenser ceux qui ont évité de payer des taxes?