L’auteur invité est Jean Gadrey, collaborateur à Alternatives Economiques et professeur émérite à l’université de Lille.
Beaucoup de textes et d’appels circulent sur le projet de loi de « Séparation et régulation des activités bancaires ». Un dossier figure dans le dernier numéro de la revue « L’économie politique ». Dans cet ensemble je trouve particulièrement éclairants 1) le dossier de 15 pages de la Fondation Nicolas Hulot (FNH) daté du 14 février, rédigé par Gaël Giraud et Alain Grandjean, et 2) un autre dossier, encore plus gros (30 pages), que l’on doit à Attac et qui porte plus généralement sur « 20 mesures pour une véritable réforme bancaire », au-delà de la nécessaire séparation. Voici un lien vers le fichier pdf de ce second dossier, dont les grandes qualités pédagogiques en font UN REMARQUABLE OUTIL D’EDUCATION POPULAIRE ET DE DEBATS PUBLICS sur les banques et la finance.
Gaël Giraud avait, il y a quelques semaines, publié une critique aussi sévère que juste du projet gouvernemental de séparation. Cela avait fait du bruit, au point que ceux que l’on nomme « les experts de Bercy » s’étaient fendus d’une contre note. Le contenu de cette dernière fait penser à ce que ces mêmes experts, ou leurs proches cousins, racontaient il y a dix ans à l’époque où Attac était pratiquement la seule association à défendre l’idée d’une « taxe Tobin » : c’était, selon eux, techniquement infaisable, inefficace, etc. La suite a prouvé que ces arguments étaient inconsistants.
Vous pouvez en première lecture prendre connaissance du résumé et du sommaire du dossier de la FNH (ci-dessous), mais cela devrait conduire certains d’entre vous à entrer dans le détail des arguments, qui restent accessibles. J’ajouterai juste que cette réforme (une vraie séparation) n’est pas seulement – surtout si elle est associée à d’autres réformes proposées par Attac – une « nécessité de la transition écologique », mais aussi une nécessité sociale, si l’on croit qu’aucune transition écologique ne réussira vraiment sans se fonder sur des biens communs et des droits universels à la fois écologiques et sociaux.
Scinder les banques, une nécessité de la transition écologique
Par Gaël Giraud et Alain Grandjean
Synthèse
Alors que le projet de loi de « Séparation et régulation des activités bancaires » est en discussion à l’Assemblée nationale, il est nécessaire d’aller beaucoup plus loin pour réaliser ce qui constituait l’une des promesses majeures de campagne du Président de la République.
Le projet de loi entend “séparer” les banques commerciales (qui accordent des crédits et collectent des dépôts) des banques de marché (qui opèrent sur les marchés financiers). Loin d’atteindre cet objectif, c’est le projet le plus timide de tous ceux actuellement envisagés sur la planète (Volcker, Vickers, Liikanen). Il ne “sépare” quasiment rien. Les activités financières des banques qui seraient cantonnées dans une filiale sont économiquement marginales. Auditionné par la commission des finances de l’Assemblée nationale le 30 janvier dernier, le PDG de la Société Générale expliquait ainsi que la « séparation » concernait ” entre 3 et 5% de nos activités de BFI, qui représentent elles-mêmes 15% des revenus totaux de la banque”, soit 0,75% de l’activité du groupe !
Pourtant, il est essentiel de scinder les banques mixtes dont l’existence pénalise l’activité
économique pour au moins cinq grandes raisons :
• l’activité de crédit et de collecte des dépôts apporte des liquidités à la spéculation ;
• l’accès aux marchés financiers internationaux modifie le métier de banque commerciale ;
• la combinaison d’activités de dépôt et de marché au sein de la même institution conduit à une extension de la garantie de l’Etat aux activités de marché ;
• les activités du département marché font peser des risques sur les dépôts ;
• la coexistence des deux activités dans une même structure, induit une concurrence dans l’attribution des crédits qui se fait au détriment du financement de l’économie réelle.
Le modèle de la banque mixte est, par ailleurs, un frein à la transition écologique. Il renforce de fait l’instabilité financière et donc les crises économiques qui sont des périodes de mise de côté du long terme et de l’écologie. En période de rémission, il n’est pas non plus favorable au financement des projets de transition, car il facilite les opérations à haute rentabilité et défavorise les activités de prêts à l’économie et tout particulièrement aux opérations de long terme.
Nous proposons donc de mettre en place en France une véritable séparation des activités bancaires sur le modèle du Glass-Steagall Act (GSA), promulgué par le président américain Roosevelt en 1933 suite à la crise de 29. Il serait tout à fait possible de mettre en place rapidement dans notre pays une telle mesure moyennant quelques ajustements pour faire face au contexte économique et financier de ce début de XXIème siècle.
Sommaire
I. Diagnostic : pourquoi le “modèle” des banques mixtes nuit-il à la transition
écologique ?
Qu’est ce qu’une banque mixte ?
Les principaux dangers que le modèle de la banque mixte fait courir à l’économie.
Pourquoi la séparation des activités bancaires est-elle nécessaire à la transition écologique ?
II. Proposition : mettre en place en France un Glass-Steagall act adapté aux conditions du XXI°siècle.
Du côté des banques de marché.
Du côté des banques commerciales.
Du côté de l’emploi
Eclairage – Tour d’horizon des différents projets envisagés pour scinder les banques.
La Règle « Volcker » (en voie d’adoption aux Etats-Unis).
L’option Vickers (Royaume-Uni, commission Vickers)
Le rapport des experts européens dit groupe Liikanen
Le projet de loi Moscovici
En savoir plus – Réponses aux principales objections des banques
La séparation induira un manque de liquidité. Oui mais pour laquelle des deux activités bancaires ?
Le “modèle français” de la banque “universelle” aurait fait la preuve de sa résilience, au contraire des banques spécialisées.
OPA sur les banques françaises ?
Pour lire le texte original, avec les hyperliens, on va sur le blogue de l’auteur.
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