L’auteur invité est Vincent Boulanger, Alternatives Economiques.
Les habitués des autoroutes l’auront constaté, la colonne continue de camions sur la file de droite fait penser à un train de marchandises. Alors pourquoi ne sont-ils pas sur les rails ? Le Grenelle de l’environnement avait abouti à la même conclusion et fixé un objectif de 25 % de modes alternatifs à la route en 2022 (contre 12 % en 2007) dont 20 % pour le fret ferroviaire. » Cet objectif est sans rapport avec la situation actuelle, juge Roland Le Bris, dirigeant de la société d’études Transversales et spécialiste du sujet. » La part du rail dans le transport de marchandises est en effet passée de 30 % en 1984 à 10 % en 2010. En comparaison, celle-ci est de 36 % en Suède et en Autriche et de 21 % en Allemagne. Le transport fluvial se porte mieux en France. Sa part a également régressé (de 4,2 % à 2,3 %), mais le tonnage de marchandises transportées est resté stable et repart même à la hausse depuis une dizaine d’années. » Le rail peut encore inverser la tendance, estime Roland Le Bris. C’est une question de stratégie et d’organisation. »
Un choix politique
Le réseau ferré a en effet été délaissé par les politiques publiques. » Pendant plus de trente ans, la route a concentré tous les investissements de transport, rappelle Jean Lenoir, vice-président de la Fe´de´ration nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut). Un réseau ferroviaire vieillissant se trouve donc en concurrence avec un réseau routier moderne qui n’a cessé de se développer. » Les lignes de chemin de fer sont passées de 34 000 kilomètres en 1980 à 29 000 kilomètres. L’état du réseau entraîne une dégradation du service : manque de régularité des trains, voire limitation du tonnage transporté. Un audit réalisé en 2005 pour Réseau ferré de France (RFF) recommandait de porter les investissements à 3,5 milliards d’euros entre 2011 et 2015, contre 2,5 milliards en 2005. » Nous avons engagé un plan de rénovation en 2008, déclare Serge Michel, directeur de la rénovation du réseau de RFF. Les investissements s’approchent désormais des recommandations de l’audit, même s’ils se situent encore quelques dizaines de millions en dessous. L’effort de rattrapage devra donc être maintenu un peu plus longtemps, pendant encore dix à quinze ans. »
Des camions sur des trains
Le plan fret issu du Grenelle prévoyait en outre de multiplier le nombre d’ » autoroutes ferroviaires « , où l’on charge les remorques de camions sur les trains pour parcourir les grandes distances. Deux autoroutes ferroviaires sont en effet déjà en service, depuis 2003, entre Chambéry et Orbassano (Italie) et depuis 2007 entre Luxembourg et Perpignan. Elles ont transportés respectivement 30 000 et 40 000 camions en 2011, permettant d’éviter l’émission d’environ 50 000 tonnes de CO2. Avec des terminaux accessibles vingt-quatre heures sur vingt-quatre et fournissant quatre allers-retours par jour, ces autoroutes connaissent une croissance constante et des prolongements de lignes sont prévus…
Le fret ferroviaire traditionnel est en revanche à la dérive. En déficit chronique, Fret SNCF abandonne en effet petit à petit les dessertes locales et les petits flux de marchandises. Face à cela, les associations telles la Fnaut ou France Nature Environnement préconisent de faire appel à des opérateurs de proximité. Une réforme qui pour l’instant n’a pas été engagée. » Dans tous les pays européens, le fret se développe ou au pire stagne, relève Michel Dubromel, responsable Transports de France Nature Environnement. Il n’y a qu’en France qu’il est en déclin. C’est le signe d’un problème structurel. »
Il faudrait en effet corriger la distorsion de concurrence entre le rail et la route. Le fret ferroviaire est soumis à un péage, ce qui n’est le cas des camions, que s’ils empruntent les autoroutes. Par ailleurs, ces dernières ayant été privatisées, l’argent ne revient pas à l’Etat et ne peut donc permettre d’investir dans les alternatives comme le rail. D’où l’idée d’instaurer une taxe routière kilométrique, comme en Allemagne où tous les camions acquittent une somme en fonction du nombre de kilomètres parcourus. En France, cette taxe » poids lourds « , maintes fois retardée, n’entrera en vigueur que mi-2013 et ne s’appliquera qu’au réseau routier hors autoroutes. Et l’Etat s’apprêterait déjà à accorder des dérogations, notamment en Bretagne. Ce qui risque de réduire son efficacité, car tant que la route ne sera pas pénalisée, le report du fret vers le rail ne pourra pas s’opérer.
Pour lire le texte original, on va sur le site d’Alternatives Economiques.
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