Mais il y travaille très fort ! Probablement qu’avant la fin de son premier mandat majoritaire, il aura créé les conditions nécessaires pour que, peu importe le gouvernement qui lui succède, les tendances lourdes qu’il aura su initier pendant ses trois mandats (à travers les institutions du modèle canadien de développement qu’il aura construit) vont engager ce pays dans une dynamique semblable à celle du sud des États-Unis, berceau du Tea Party et des forces réactionnaires étatsuniennes.

Une étude réalisée par le service de recherche économique de la Banque TD donne le portrait d’un modèle d’inégalités socioéconomique canadien qui s’éloigne de celui des États-Unis. « Les provinces de l’Ouest, lit-on dans l’article du Devoir, particulièrement l’Alberta, sont, quant à elles, aux antipodes du cas américain, avec une baisse marquée des emplois faiblement qualifiés, une modeste hausse de la classe moyenne et une quasi-stagnation des emplois les plus qualifiés. » C’est un peu ridicule de comparer une structure socioéconomique d’une province comme l’Alberta – qui ressemble davantage à une monarchie pétrolière – avec celle des États-Unis. C’est le modèle de développement qu’il faut comparer, avec les dynamiques institutionnelles et les acteurs en présence. Dans ce cas, l’Alberta est l’image même du modèle étatsunien dominé par une oligarchie (pétrolière) qui est appuyée par une population acquise au libéralisme économique et au conservatisme social (et religieux).

Et c’est justement ce modèle qui fait ses ravages dans l’ensemble du Canada en raison du rôle qu’y joue le secteur pétrolier sur le huard et sur la dynamique économique globale. Comme le signale fort justement l’économiste canadien, la ‘maladie hollandaise’ n’est pas une vue de l’esprit, elle s’appuie sur des faits empiriques prouvés par toutes les études économiques le moindrement sérieuses. « In fact, the overwhelming weight of empirical evidence confirms that surging oil prices and exports have indeed contributed to the rise of the Canadian dollar, which in turn has indeed contributed to the decline of Canadian manufacturing. »

La collusion (puisque c’est réellement de ça qu’il est question ici) entre l’industrie du pétrole et du gaz et le gouvernement conservateur fera en sorte, avec la réalisation des projets de doublement de la production du pétrole provenant des sables bitumineux, d’engager ce pays dans une dynamique que plus aucun parti (y compris le NPD) ne pourra changer. Car nous n’avons rien vu encore. En raison de la conjoncture économique mondiale dépressive, les prix du pétrole restent relativement faibles. Mais lorsqu’une reprise économique se fera sentir, les effets dramatiques de la hausse du dollar canadien (tiré par le prix du pétrole) sur les secteurs manufacturiers du Québec et de l’Ontario ramèneront plus que jamais les enjeux de la croissance des inégalités sur la place publique.

En 2008, puisqu’ils étaient minoritaires, les Conservateurs n’ont pas été en mesure de provoquer la crise sociale majeure qui leur aurait permis de couper sauvagement dans les programmes sociaux canadiens. Maintenant qu’ils sont majoritaires, l’occasion semble vouloir se présenter une nouvelle fois pour eux qu’ils ne laisseront pas passer, comme ils l’ont clairement indiqué : peu importe le contexte économique général, le retour à l’équilibre budgétaire est maintenant…et tant mieux si ça implique une nouvelle série de mesures pour couper dans les dépenses publiques !