L’auteur invité est Marco Bélair-Cirino, journaliste au Devoir.
À force de reculer, le gouvernement péquiste a accouché lundi d’un régime d’impôt minier « pire » que celui hérité du gouvernement libéral, estime le président de l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques (IGOPP), Yvan Allaire.
L’équipe de la première ministre Pauline Marois propose ni plus ni moins que la « reconduction du système actuel avec les mêmes failles, mais en pire ». Le Québec fera « fausse route » avec le nouveau régime d’impôt minier, tranche le professeur émérite de stratégie à l’Université du Québec à Montréal (UQAM).
Yvan Allaire voit tout particulièrement d’un mauvais oeil le choix du gouvernement de calculer l’impôt minier sur une base consolidée, c’est-à-dire sur l’ensemble des mines d’une société. Le ministre des Finances et de l’Économie, Nicolas Marceau, a fait table rase de l’approche « mine par mine », regrette M. Allaire. Pourtant, il s’agissait d’un « grand gain » obtenu par l’ancien gouvernement, en 2010. « Le régime actuel a au moins cette propriété “mine par mine”. Maintenant, si j’ai deux mines en exploitation et une troisième en développement – c’est évident qu’elle est négative -, ça va réduire le profit des trois mines prises ensemble, donc les montants que j’ai à payer », explique le numéro 1 de l’IGOPP dans une entrevue téléphonique avec Le Devoir.
À compter du 1er janvier 2014, les sociétés minières devront payer un impôt minier plancher dont le taux oscillera de 1 % – pour les 80 premiers millions de dollars de minerai extrait du sous-sol – à 4 %, ou un impôt variant de 16 % à 22,9 % en fonction des marges de profit dégagées. Pour celles de 0 à 35 %, le ministre Marceau a reconduit le taux de redevances actuel, 16 %.
En fixant la « ligne de démarcation » du ratio profit net -revenus bruts à 35 %, le gouvernement doit s’attendre à ce qu’il y ait « rarement des minières qui vont payer plus que 16 %, surtout si on met deux mines à des stades de développement différent ensemble ».
« Une minière a fait 35 % de marges. Selon l’investissement qu’elle a fait pour y arriver, elle peut soit faire un rendement sur son investissement de 25 %, ce qui est énorme, soit de 12 %, ce qui n’est pas énorme », illustre-t-il.
« C’est vraiment accoucher d’une souris, comme tout le monde le dit, mais d’une souris… infirme. Infirme parce qu’elle continue avec cette notion qu’on détermine la rentabilité par la marge, qui est un faux principe. »
Le nouveau régime d’impôt minier pénalisera « ceux dans le bas de la fourchette », qui n’engrangent pas des rendements raisonnables sur les investissements, selon M. Allaire. « Imaginez une marge de 5 %, ce qui signifie finalement que la mine n’est pas rentable en matière de rendement sur les investissements. On leur enlève 16 % sur leurs profits, aussi petits soient-ils. »
Yvan Allaire insiste: « On ne leur en demande pas assez quand ça va très bien. On leur en demande trop quand ça va très mal. »
La redevance exigée sur la valeur à la tête de puits ne trouve guère grâce à ses yeux. Elle est certes un « désagrément » pour les sociétés minières, bien que ces dernières ne doivent pas perdre de vue qu’elle est notamment accompagnée de « crédits d’impôt ». « Dès que la mine est en exploitation, elle devra payer une redevance sur la valeur du minerai à la tête de puits. Ça, c’est plus tôt qu’auparavant en ce qui concerne le flux monétaire. Mais on dégage quand même un crédit qui sera reportable contre les impôts à payer dans les années subséquentes. »
En tournant le dos à la redevance sur la valeur brute, le gouvernement permettra aux sociétés minières de déduire différents coûts de traitement et de transformation sur la valeur brute du minerai extrait du sous-sol québécois. « Le montant sur lequel le 1 %, éventuellement le 4 %, va prendre effet va être beaucoup plus faible que ce qu’on appelait l’ad valorem, c’est-à-dire la valeur marchande de ce qui sort de la terre. »
« Je ne suis pas contre les minières », répète M. Allaire, se défendant de proposer l’idée « d’aller chercher plus d’argent » dans leurs coffres. Il préconisait la mise sur pied d’un système qui « reconnaît » et « s’ajuste » à la « réalité » de l’industrie minière au Québec, où « les prix peuvent baisser, les minières peuvent devenir marginalement rentables, puis tout à coup devenir très rentables ».
À la demande de la ministre des Ressources naturelles, Martine Ouellet, M. Allaire s’était d’ailleurs creusé la tête pour offrir un « rendement approprié pour le risque » – autour de 15 % à ses yeux – aux sociétés minières implantées au Québec, et ce, au moyen d’une série de mesures. « Si vous investissez au Québec, on fait tout pour que vous fassiez un rendement de 15 % sur votre investissement [pour chacune de vos mines en exploitation]. Mais, si les rendements sont bons, sont supérieurs à cela, on veut partager à 50-50 », dit l’auteur du rapport Le Québec et ses ressources naturelles : comment en tirer le meilleur parti, qui a été publié en février dernier. « Il y a une seule façon de déterminer ce qui est raisonnable pour les minières comme rendement et comment les rendements au-dessus de ce “raisonnable-là” devraient bénéficier en grande partie aux citoyens propriétaires de la ressource. C’était le principe important, d’établir des redevances et un impôt minier qui se fondent sur les rendements que la minière a faits. Et lorsqu’une minière fait plus d’argent qu’il n’est raisonnable, les citoyens devraient en bénéficier hautement.»
Le gouvernement péquiste en a décidé autrement. Néanmoins, il compte amasser 370 millions de dollars en 2015, c’est-à-dire 50 millions de plus (+15 %) que sous le régime fiscal hérité du gouvernement libéral.
Ayant toujours en tête le programme politique défendu par le Parti québécois durant la dernière campagne électorale, les sociétés minières ont « certainement » accueilli « avec un soupir de soulagement » le nouveau régime d’impôt minier en début de semaine. « La dernière chose que l’industrie veut communiquer, c’est qu’elle est contente. Elle ne vous le dira jamais », conclut M. Allaire.
Pour lire le texte original, on va sur le site du Devoir.
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