L’auteur invité est Marie-Laure Nauleau (France).
L’économiste Philippe Quirion a étudié le potentiel d’emplois créés par l’application du scénario négaWatt. Bilan : plusieurs centaines de milliers d’emplois de mieux que si l’on continuait la politique énergétique actuelle.
Face aux enjeux actuels que sont le changement climatique, la diminution des ressources fossiles et fissiles et le risque nucléaire, le scenario négaWatt 2011, en fondant sa démarche sur le triptyque énergétique « sobriété, efficacité, renouvelables », nous montre, grâce à une analyse détaillée, année par année, des différents secteurs de consommation et de production d’énergie, ainsi qu’à une description fine des évolutions sociétales et techniques, que la transition énergétique vers un système fondé à 90% sur l’utilisation d’énergies renouvelables est souhaitable et possible.
Philippe Quirion, économiste de l’environnement et chargé de recherche au CNRS-CIRED (Centre International de Recherche sur l’Environnement et le Développement), a rendu public vendredi 29 mars les résultats de son étude sur l’impact sur l’emploi et l’économie de l’actuel scenario négaWatt, enrichissant ainsi l’apport de ce scénario d’une dimension économique manquante.
Cette étude analyse l’effet en termes de création et destruction d’emplois du scénario négaWatt par rapport à un scénario tendanciel de laissez-faire à l’horizon 2020, 2025 et 2030. Elle porte sur les principaux secteurs concernés par la transition énergétique, soit plus de 75 postes de dépenses : les filières énergétiques, énergies fossiles, nucléaire et renouvelables, ainsi que les secteurs du bâtiment et du transport.
La méthode utilisée est celle dite du « contenu en emploi », consistant à regarder combien d’emplois sont créés ou détruits sur chaque secteur de l’économie en valeur de chacun de ces secteurs puis de faire le solde sur l’ensemble des secteurs considérés. La question n’est donc pas de savoir quel scénario, du tendanciel ou du négaWatt, coûtera le plus cher, mais lequel, à coût global identique, sera le plus bénéfique pour l’emploi.
En reposant sur les données des tableaux entrée-sortie de la Comptabilité Nationale de l’INSEE, l’ensemble des interactions entre secteurs sont intégrées. En outre, à travers l’ « effet induit », cette méthode prend en compte les écarts de coûts entre les différentes filières énergétiques.
Il est par exemple plus coûteux aujourd’hui de produire de l’électricité photovoltaïque que de l’électricité nucléaire. Le surcoût engendré par la substitution du photovoltaïque au nucléaire a donc besoin d’être financé, ce transfert budgétaire diminue d’autant les postes de dépenses, et donc in fine l’emploi, des autres secteurs de l’économie.
Il s’agit en fait de prendre en compte l’arbitrage opéré par les ménages. Pour prendre un exemple positif pour la transition énergétique cette fois, les économies de consommation d’énergie générées par les comportements de sobriété du scénario négaWatt, prendre moins souvent sa voiture, pour n’en citer qu’un seul, se transforment en économies monétaires, lesquelles peuvent alors être réallouées aux autres secteurs de l’économie, notamment aux secteurs riches en emploi tels que les services.
235 000 emplois en 2020, 632 000 en 2030
En utilisant des sources statistiques et des hypothèses officielles (celles de l’Energy Outlook de l’Agence Internationale de l’Energie pour les évolutions des prix de l’énergie par exemple) et la rigueur de la démarche scientifique, celle-ci passant par l’explication et la justification de la méthode ainsi que de ses limites, la présentation des hypothèses dans son exhaustivité, une analyse de sensibilité des résultats, etc, l’étude aboutit à un effet net sur l’emploi positif du Scénario négaWatt par rapport au scénario tendanciel.
Cet effet irait de 235 000 emplois en plus dans le scénario négaWatt par rapport au scénario tendanciel en 2020, à 632 000 emplois en 2030. Les secteurs les plus porteurs en emplois seraient la rénovation des bâtiments puis les énergies renouvelables.
L’ « effet induit » serait quant à lui positif, ce qui montre que les dépenses annuelles d’investissement et d’exploitation de tous les secteurs pris en compte sont moins élevées dans le scénario négaWatt que dans le scénario tendanciel, et ce, dès 2015.
L’étude complète et sa synthèse sont disponibles sur le site de l’association Négawatt.
A l’heure où seulement une dizaine de scénarios sont débattus au sein du débat national sur la transition énergétique, et parmi eux le scénario négaWatt, il est certain que l’apport de ce volet économique offrira des arguments de poids en faveur de la transition énergétique promue par l’expertise négaWatt.
Dans un débat où la question de l’effet sur l’emploi comporte de vrais enjeux politiques, ce d’autant plus dans un contexte de crise économique et de chômage endémique, et cristallise des intérêts économiques divergents entre les parties prenantes, cette approche globale et transparente est véritablement bienvenue.
Pour lire le texte original, on va sur le site de Reporterre.
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