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Le samedi 23 avril 2022

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Le Canada selon Harper

C’était assez pathétique d’entendre nos fédéralistes québécois après la présentation du budget Flaherty. Les pages étaient pleines de ces porte-paroles de la droite québécoise fédéralistes s’offusquer de la ‘provocation’ du budget Flaherty. Provocation contre les Québécois ? C’est la politique conservatrice, imbéciles ! La stratégie de Harper est d’augmenter sa popularité en s’attaquant aux Québécois et aux syndicats, et par la même occasion à faire un lien ‘subliminal’ entre ces deux boucs émissaires traditionnels des forces politiques de l’Ouest canadien et le NPD, dont le château fort (!!!) est aujourd’hui le Québec…

Marco Fortier, du Devoir, résume fort bien : « Le budget déposé cette semaine par le gouvernement Harper soulève la colère au Québec, chez les syndicats et au sein des groupes communautaires. Mais ailleurs au Canada, on applaudit au « nation building » à la façon conservatrice. » Le machiavélisme des conservateurs reste dangereusement efficace : en éliminant, par exemple, le crédit d’impôt pour fonds de travailleurs, non seulement récupère-t-il immédiatement des centaines de millions $ qu’il pourra accorder au développement de l’Ontario (par pur clientélisme), mais en plus il répond aux désirs de ses clientèles. Plus les désaccords des Québécois et des syndicalistes seront forts, plus les « 40% d’électeurs réceptifs aux idées conservatrices » se solidariseront derrière le projet canadien de Harper. Même les opinions de centre semblent adhérer à ce Canada selon Harper : le Globe and Mail se réjouit des politiques de ce gouvernement qui « défie les vieilles manières de penser et de faire les choses ».

En éliminant le crédit pour fonds de travailleurs, Ottawa sauve 160 millions $ par année (dont 130 millions pour le Québec seulement), soit 800 millions $ sur cinq ans, mais il accorde 920 millions$ en cinq ans à l’Agence fédérale de développement de l’Ontario (FedDev Ontario), principalement pour l’industrie manufacturière du sud de la province. L’agence pourra investir 200 millions dans un nouveau fonds pour la fabrication de pointe et soutenir également le développement minier du nord de l’Ontario.

L’Alberta sera aussi l’autre province à profiter de ces supposés ‘provocations contre le Québec’. Par exemple avec la politique de coupure dans l’assurance-emploi. « On espère pas de bataille. Ce qu’on veut au bout du compte, c’est de jumeler les emplois disponibles avec les travailleurs disponibles », a déclaré Christian Paradis. Les industries qui sont désignées dans le budget comme étant aux prises avec ce problème de pénurie incluent en priorité l’industrie pétrolière.

Mais comment se surprendre de cette vision du Canada selon Harper. Malgré le fait qu’on ne pouvait jadis gouverner le Canada sans le Québec, nous nous sommes toujours confrontés à une structure de pouvoir (politique et économique) qui favorisait l’Ontario, puis maintenant les provinces pétrolières. L’Ontario a reçu 10 milliards pour son industrie automobile, en plus de sommes considérables pour la tenue des sommets du G7 et du G20. Quant aux provinces productrices de pétrole et de gaz (Colombie-Britannique, Alberta, Saskatchewan, Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve), elles profitent d’une fiscalité avantageuse, de subventions de toutes sortes, en plus du retrait du Canada de Kyoto. Par ailleurs, Ottawa va dépenser 33 milliards en contrats navals, mais cet argent ira dans le ROC. Rien pour le Québec.

Les prochaines manches de ce Canada selon Harper se joueront dans le domaine du commerce international : d’une part, l’AECG pourrait se faire au profit des éleveurs de l’Ouest et aux dépends des petits agriculteurs québécois (fromage et lait); mais la manche décisive se fera dans les négociations du Partenariat Trans-Pacifique, avec les conséquences que cela entraînera pour les Canadiens, mais surtout pour le Québec. Les principales cibles : déréglementation en agriculture (gestion de l’offre québécoise), les industries culturelles, la protection des droits de propriété et un ensemble d’autres enjeux d’intérêt public.

Il reste encore deux ans de nuisance à ce gouvernement, dont l’usure prématurée du pouvoir fait éclater les scandales les uns à la suite des autres. Gageons qu’il cherchera à accélérer les transformations institutionnelles favorable à ce ‘Canada selon Harper’ avant une probable défaite en 2015.

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