L’industrie forestière nord-américaine ne s’est toujours pas relevée de la dernière crise, qui a débuté il y a près de dix ans. Si certains signaux provenant du marché du bois d’œuvre permettent d’envisager un redressement de cette filière, la situation générale de la grande industrie ne s’améliore que peu ou prou. En fait, les faits suggèrent que le modèle de développement forestier dominant présente d’importants signes d’essoufflement et peine à se renouveler.
C’est dans ce contexte que le Groupe de recherche sur l’économie de la forêt (GRÉFOR) a récemment rendu public un cahier de recherche avançant des propositions pour une relance durable de l’industrie de la forêt au Québec. Ce cahier propose en effet un cadre d’analyse, mais aussi des pistes d’action permettant d’améliorer la stabilité et le contrôle des communautés locales sur l’industrie de la forêt qui se déploie sur leur territoire. Ces propositions s’appuient sur une analyse de la configuration de cette industrie dans la région de Charlevoix-Est et du Bas-Saguenay, analyse qui a révélé des mécanismes structurels verrouillant les capacités d’innovation socio-économique des collectivités vivant de la forêt.
L’un des mécanismes les plus importants est, selon toute évidence, la présence d’un système productif exerçant une emprise forte sur la structure de l’économie de la forêt dans la région. Ce système productif, dont Produits forestiers Résolu est le principal acteur, limite substantiellement la recherche d’innovations socio-économiques locales, ainsi que l’expansion d’un espace entrepreneurial susceptible de diversifier l’économie forestière de la région. L’intégration des différents segments de la production (planification, contrôle de l’aménagement et de la récolte, sciage et production de pâtes et papiers) a conféré à Produits forestiers Résolu un poids disproportionné, eut égard aux autres acteurs économiques régionaux vivant de la forêt. La récente crise, la quatrième en quarante ans, a montré les limites de ce système productif. Caractérisé par une production à fort volume et à faible valeur ajoutée, ce système s’appuie principalement sur une stratégie de baisse des coûts, sur les marchés d’exportation ainsi que sur les cycles économiques et financiers pour assurer la rentabilité des activités. Alors que les marchés internationaux de produits forestiers à valeur ajoutée sont en plein essor, ce système productif continue de se spécialiser dans le secteur du papier journal, un secteur doté de faibles perspectives de développement, en plus d’être peu structurant pour l’économie locale de la forêt.
Des coopératives et PME forestières existent dans la région de Charlevoix-Est et du Bas-Saguenay, mais occupent un espace marginal. Elles exercent, plus souvent qu’autrement, des fonctions subordonnées, telle que l’aménagement ou la récolte. Cela limite de manière importante la capacité de la région à développer d’autres modèles d’affaires basés sur des produits à valeur ajoutée, en plus de fragiliser la stabilité économique des communautés locales. À ces acteurs économiques s’ajoutent les acteurs territoriaux, qui semblent cependant peu outillés pour agir de manière structurante sur l’économie forestière. Cela entraîne une situation de dépendance des collectivités à l’égard d’un modèle qui est aujourd’hui confronté à des problèmes de viabilité économique, financière et sociale.
Face à cela, nous avons avancé une série de propositions qui tiennent compte de la conjoncture actuelle, ainsi que des initiatives menées dans la foulée du nouveau régime forestier, en vigueur depuis le 1er avril dernier. Parmi ces propositions, mentionnons notamment la mise sur pied d’une cellule de planification stratégique régionale visant la diversification de l’économie de la forêt, la tenue d’états généraux régionaux sur le développement des coopératives et des entreprises forestières, ainsi que la création d’un fonds de reconversion de l’industrie de la forêt vers des filières à valeur ajoutée. Ces mesures pourraient être mises de l’avant dans un avenir rapproché et permettrait, selon nous, de créer les conditions pour qu’une mobilisation régionale autour d’une réappropriation de l’économie de la forêt puisse se faire.
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