L’automne passé, le ministre Marceau avait proposé de faire passer la part imposable du gain en capital de 50 % à 75 %. Il a finalement plié devant les pressions des milieux d’affaires, qui voyaient là un coup fatal porté à la croissance de l’économie québécoise. Or plusieurs études montrent qu’au contraire on ne trouve pas de corrélation claire entre le taux d’imposition du capital (gains de capital et dividendes) et le taux de croissance.
Une étude conjointe de la Brookings Institution et de l’Urban Institute portant sur la fiscalité rejette de façon catégorique l’idée que la façon dont on taxe les gains en capital soit important pour la croissance économique. Pour l’économiste Len Bunman, si de faibles taux d’imposition du capital favorisaient la croissance économique, on s’attendrait à voir une relation négative entre les deux – taux forts, faible croissance, et vice versa – or il n’en est rien. Le coefficient de corrélation est de 0,12 (plus ce coefficient s’approche de 1, plus la corrélation entre deux variables est forte). Cette absence de corrélation persiste, sur plusieurs années et avec des variables différentes.
« Diminuer le taux d’imposition du capital ne permet pas de mettre un turbo à l’économie, et l’augmenter ne provoquera pas de dépression, » affirme Len Brunman, ajoutant : « Les niches fiscales que ces génies [de la finance] inventent sont économiquement inefficaces et ces génies accompliraient un travail productif si seulement ce racket fiscal n’était pas si lucratif. Les revenus perdus sur les niches fiscales contribuent à creuser les déficits, ce qui fait en soi du mal à l’économie. »
Une analyse de la Société Générale arrive aux mêmes constats. Réagissant aux craintes soulevées par la fin annoncée des baisses d’impôts de l’ère Bush, la Société Générale ne croît pas que la hausse du taux d’imposition du capital puisse avoir un effet nuisible sur l’économie des États-Unis. En termes macroéconomiques, affirme l’analyse, les montants en jeux sont relativement faibles et cela va toucher les ménages les plus riches, qui ne changeront pas pour autant leur niveau de consommation. Donc dans le court et moyen terme, on attend peu d’effet de ces mesures. Par ailleurs sur le long terme, l’analyse de la Société générale affirme que l’évidence empirique suggère un lien très faible entre le taux de taxation des gains en capital et l’évolution du PIB.
Une autre étude, réalisée par le Congressional Research Service, précise quant à elle qu’une faible imposition du capital ne favorise pas la croissance économique, mais que cela exacerbe les inégalités de revenu. En s’appuyant sur des données pour la période 1945-2010, le rapport conclut : « There is not conclusive evidence, however, to substantiate a clear relationship between the 65-year steady reduction in the top tax rates and economic growth. Analysis of such data suggests the reduction in the top tax rates have had little association with saving, investment, or productivity growth. However, the top tax rate reductions appear to be associated with the increasing concentration of income at the top of the income distribution. »
Bref, le favoritisme fiscal dont jouissent les revenus du capital repose sur une argumentation qui ne se confirme pas dans la réalité. Contrairement à ce qu’affirment les lobbyistes, les investissements ne sont pas si sensibles au taux d’imposition.
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