L’auteur invité est Christian Chavagneux, rédacteur en chef adjoint d’Alternatives Economiques.
Les communiqués publiés le 18 juin à l’issue de G8 de Lough Erne en Irlande du Nord posent des principes importants de lutte contre les paradis fiscaux mais soulignent l’impossibilité des pays à se mettre d’accord sur les modalités concrètes d’action.
Les principes posés par la déclaration finale du sommet confirment, c’est le moins auquel on pouvait s’attendre, les engagements pris par les grands pays ces dernières semaines :
- Les autorités fiscales doivent passer à l’échange automatique d’informations fiscales : mais rien n’est dit sur le périmètre de cet échange qui, pour être efficace, doit être le plus large possible. Rien non plus sur le calendrier. Espérons que l’UE ira loin dans le domaine, les négociations sont en cours, la Commission a fait la semaine dernière des propositions pour un échange large.
- Les pays doivent changer les règles qui permettent aux entreprises de déplacer leurs profits pour éviter de payer des impôts. Un bel engagement mais pas de précision concrète et pas de calendrier, même si le Premier ministre britannique a indiqué dans sa conférence de presse qu’il attendait le travail demandé à l’OCDE sur le sujet (on aura le résultat début juillet).
- Les multinationales devront fournir aux autorités fiscales le montant des profits qu’elles réalisent et des impôts qu’elles paient pays par pays. Visiblement l’information ne sera pas disponible pour le grand public ou les investisseurs. L’argument des grandes entreprises disant que si elles rendent publiques les informations sur les profits réalisés et les impôts payés pays par pays cela va fournir des données stratégiques à la concurrence a visiblement porté. Comme si une multinationale allait découvrir tout d’un coup que ses principaux concurrents sont présents sur un marché auquel elle n’avait jamais pensé ! Ridicule.
- Les sociétés devront avoir l’information sur qui sont leurs réels propriétaires et les administrations fiscales pourront les avoir si elles les demandent. Un moyen, en principe, de mettre de la transparence sur tout le business des sociétés écrans. Là encore, pas de calendrier.
- Les pays du Nord doivent aider les pays du Sud a bénéficié des recettes fiscales auxquelles ils ont droit. Ça, ça sent le : comme on ne peut pas faire confiance à plein de pays du Sud aux dirigeants pas très convenables pour faire de l’échange automatique d’informations fiscales, on se réserve le droit d’aider ceux que l’on veut aider.
Enfin, un début d’avancée nouvelle : les trustees qui agissent dans le cadre de trusts au nom de bénéficiaires doivent savoir qui apporte l’argent et à qui il va et cette information doit être accessible aux autorités publiques. De son côté, le gouvernement britannique s’engage à mettre en œuvre les mécanismes permettant de partager ces informations avec les autorités étrangères.
C’est bien : c’est la première fois que le secret fiscal des trusts est mis sur la table et il faut espérer que cette première déclaration sera suivie d’autres : en plus de l’échange automatique qui contribue à tuer le secret bancaire à des fins fiscales, imposer la transparence des trusts remet en cause l’autre jambe du secret à des fins fiscales. Pour que l’engagement britannique vaille la peine, il faut que le gouvernement Cameron force les anciennes colonies britanniques à donner ces informations et ce n’est pas gagné…
Malheureusement, l’un des communiqués explique franchement que les pays du G8 ne sont pas tous d’accord sur les façons de mettre ses principes en œuvre. En dépit des déclarations générales de ces derniers mois, les pays du G8 ne sont pas d’accord sur la façon de faire, ce qui veut dire qu’ils ne sont pas d’accord sur le degré de transparence à mettre concrètement en œuvre derrière ces grands principes. Le G8 renvoie donc à un engagement de chacun des pays de produire un plan d’action fixant les modalités concrètes permettant de transformer ces principes en actes. Il faudra donc suivre avec vigilance le plan français et donc les avancées européennes ou pas en la matière.
Pour les personnes intéressées, on peut aussi consulter la vidéo de l’intervention de Christian Chavagneux au Sénat français devant la Commission d’enquête sur le rôle des banques et acteurs financiers.
Pour lire le texte original, avec les nombreux hyperliens, on va sur le blogue de l’auteur.
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