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Le samedi 23 avril 2022

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Vivement 2025

Les auteurs invités sont les ministres du gouvernement français, Mme Cécile DUFLOT, M. Philippe MARTIN, M. Stéphane LE FOLL, M. Pascal CANFIN.

Contribution commune au séminaire gouvernemental du 19 août 2013 « La France dans 10 ans ».

Notre pays traverse une période de doute. Aux difficultés économiques vient s’ajouter la crainte du lendemain. Chacun se sent dépossédé de son destin sans maîtrise de l’avenir. Ce que nous vivons n’est pas simplement une crise économique conjoncturelle. C’est avant tout une crise du sens face à laquelle chacun se résigne au repli sur la sphère individuelle. Ce sentiment d’abandon fait le lit du national-populisme qui exacerbe le rejet des institutions qui semblent avoir failli : l’Europe, la démocratie sont mises en accusation faute d’avoir su apporter les réponses nécessaires. C’est la jeunesse qui subit les contradictions les plus rudes, balancée entre le désespoir économique, nourri par le chômage de masse, et le sentiment que son avenir s’écrit ailleurs.

Cette crise du sens se confronte alors à une crise structurelle. Le temps des constats est désormais révolu : le système productif se voit contraint de faire face aux limites physiques d’épuisement des ressources de la planète. La raréfaction des énergies fossiles et le dérèglement climatique sont source de déséquilibres grandissants à l’échelle de la planète. Sans une évolution rapide de ce système productif, l’accès aux ressources sera cause de conflits et d’inégalités nouvelles. La question n’est donc désormais plus de savoir si nous allons faire face à la mutation écologique ou non, mais bien si nous souhaitons la conduire ou la subir.

La responsabilité du pouvoir politique est donc immense. S’il se contente d’une régulation a minima au gré des aléas de la conjoncture, il faillira à sa mission. Nos concitoyens en sont conscients, et c’est pour cela que le fossé démocratique s’accroît. Si nous ne parvenons à dessiner un projet désirable, les Français continueront, à chaque élection, à sanctionner leurs dirigeants. En 2025, la France devra avoir relevé le défi de la transition écologique et prioritairement celui de la transition énergétique. Elle n’y parviendra pas seule. Elle le fera certes avec l’appui de l’Union européenne et au sein des institutions internationales, mais elle peut faire de ce projet un horizon nouveau pour sa jeunesse. Nous ferions fausse route en nous contentant d’indexer le projet d’avenir des Français sur la conjoncture économique ou sur les fluctuations du taux de croissance. En soi, la croissance de la consommation matérielle ne peut plus être l’indicateur unique et l’objectif d’une société. D’abord, parce qu’elle se confronte à l’épuisement des ressources matérielles, ensuite parce qu’au-delà d’une certaine limite, celle-ci a des répercussions négatives sur le bien-être et les ressources naturelles. Dès lors, il nous reste treize ans pour mettre en place une économie qui accompagne une transition écologique au service des citoyens et qui réponde, le moment venu, à leurs besoins sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs.

Cette économie écologique pourrait s’articuler autour de trois objectifs majeurs : la prospérité, la soutenabilité et la solidarité.

La prospérité durable permettra de créer des emplois et de réduire les dépenses contraintes des ménages

En engageant dès aujourd’hui, la transition des filières industrielles et du tissu économique, il est possible de créer d’ici à 2025 un million d’emplois dans la transition écologique. Les circuits courts, l’économie circulaire, le soutien à l’emploi dans l’agriculture, les énergies renouvelables, la rénovation énergétique des bâtiments sont les secteurs qui seront, dans les dix années à venir, les plus pourvoyeurs et les plus créateurs d’emplois de qualité, durables, non délocalisables, repartis sur l’ensemble du territoire.

Nous devons également apporter des réponses exigeantes aux difficultés de pouvoir d’achat des Français. La gauche a longtemps cru que l’on ne pouvait accroître le pouvoir d’achat qu’en redistribuant une part significative des fruits de la croissance. Hors période de croissance, la seule réponse demeure alors la relance par la consommation, qui pose de lourdes difficultés. Nous pensons qu’aujourd’hui la priorité pour accroître le pouvoir d’achat est de réduire de façon importante les dépenses contraintes qui pèsent sur le budget des ménages. Nous devons pour cela mener une politique publique ambitieuse qui agisse à la source : réduire les factures d’énergie, de logement ou de transport est un objectif atteignable par une mobilisation des pouvoirs publics et un pacte avec les acteurs sociaux. Les 3/4 des logements dans lesquels nous vivrons en 2050 sont déjà construits. Pour une grande partie d’entre eux, une rénovation thermique efficace couplée à une meilleure gestion de l’énergie, c’est de 50 à 250 € d’économies par mois possibles suivant les situations. Il en va de même pour une alimentation de qualité : la France possède les ressources naturelles et humaines pour nourrir sa population, l’agroécologie permet une réduction importante de la consommation des énergies fossiles et des intrants avec un impact sur les coûts et la qualité. Cela exige de s’attaquer aux intérêts qui bénéficient aujourd’hui de l’alourdissement continu de ces dépenses contraintes : les intérêts financiers qui multiplient les encouragements à la dette pour consommer davantage et les intérêts de toutes celles et ceux qui bénéficient d’une économie de la rente non productive et qui paralyse notre économie. Voilà un nouvel horizon pour la gauche, à la fois écologique et social.

La soutenabilité comme garantie de l’avenir

La soutenabilité est le nouveau logiciel pour assurer une prospérité et une paix durables au niveau mondial. L’époque où l’on opposait les intérêts de l’humanité à ceux de la nature est désormais révolue. Nous savons non seulement que nous avons intérêt à protéger notre capital naturel, mais que nous avons besoin de ces ressources pour notre épanouissement et notre développement. À travers le monde, nous savons qu’investir dans la nature, dans la biodiversité et dans le génie écologique relève à la fois de l’intérêt général et de l’intérêt économique. Cette nouvelle conception exige de ne pas sacrifier ce projet collectif sur l’autel d’une vision datée de l’activité économique. Les gaz de schiste, comme les OGM, procèdent d’une même fonction et induisent un même risque : ils permettent à certaines industries de garantir leurs perspectives financières mais peuvent par le seul déploiement, mettre en péril l’ensemble des autres activités humaines qui les entourent. À l’inverse, la soutenabilité est source d’une nouvelle vague d’innovations technologiques mises au service de tous. En mettant fin à notre dépendance aux hydrocarbures, nous ouvrons un cycle d’innovations et de mutations technologiques majeures dans le domaine des énergies. C’est pourquoi un approvisionnement massif en sources d’énergies renouvelables est non seulement souhaitable mais possible. En développant un pacte équilibré entre les territoires, les zones urbaines et les zones rurales, nous innovons dans les transports et le bâti et nous promouvons une ville moderne remplissant les fonctions essentielles et répondant aux attentes de ses habitants. La soutenabilité exige de rompre avec la conviction que notre salut ne peut venir que d’un accroissement sans limites de la consommation matérielle. La surconsommation provoque une accélération de l’épuisement des ressources naturelles et conduit à une aggravation des inégalités sociales. C’est pourquoi notre horizon doit être d’inverser la tendance en rationalisant nos consommations matérielles tout en visant à travers les innovations à la satisfaction de l’ensemble des besoins. Cela exige de rompre avec le cercle de l’endettement : au niveau public le sérieux budgétaire est nécessaire pour ne pas faire peser sur les générations futures une dette qui bride les capacités d’action politique, au niveau privé nous devons empêcher le monde de la finance d’encourager un surendettement généralisé qui appauvrit chacun en fragilisant les familles.

La solidarité comme condition d’égal accès aux biens communs

L’inégale répartition des richesses entre les pays et au sein d’un pays se trouve renforcée de manière cruelle par la crise écologique. Sans régulation et transformation significative de notre système de production, les catastrophes écologiques viendront chaque jour davantage fragiliser les plus démunis. Aux États-Unis, les plus défavorisées ressentent encore les conséquences de la catastrophe Katrina. La justice environnementale et son corollaire immédiat, la justice climatique, ne sont pas des options mais des impératifs visant à créer les conditions d’un consensus national pour conduire cette transition. Pour cela, nous devons tout d’abord garantir la pérennité des systèmes de protection sociale en Europe et les élargir pour répondre aux défis à venir. La condition impérative de la réussite d’une telle transition est de garantir à chacune et à chacun un égal accès aux biens communs : un haut niveau d’éducation et de santé, bien sûr, mais aussi un meilleur accès aux technologies, aux savoirs et au patrimoine naturel. Cela exige d’agir de manière résolue pour une égalité réelle. L’égalité entre les femmes et les hommes est aujourd’hui plus proclamée que réalisée. Elle est même parfois compromise par nos systèmes sociaux, à commencer par notre système de retraites, ou pérennisée par un système économique qui sanctuarise les inégalités salariales. L’accentuation de la fracture territoriale en France est une autre menace à laquelle nous devrons répondre, la ségrégation spatiale entre hypercentres, zones urbaines délaissées, zones périurbaines éloignées et zones rurales abandonnées mettant en péril la solidarité nationale. Ce défi, si nous voulons le relever par un nouvel équilibre entre les activités et les infrastructures, exigera, là encore, la mobilisation de l’ensemble des pouvoirs publics. Le système de solidarité repose dans nos sociétés principalement sur le recours à l’outil fiscal : il doit être réformé. L’intérêt évident de la transition écologique ne doit pas se traduire par un alourdissement de la pression fiscale mais exige une mutation de celle-ci. Il s’agit en fait de déplacer la fiscalité qui pèse sur les activités écologiquement et socialement utiles vers celles qui nuisent aux écosystèmes et mettent en péril notre avenir. Cette réorientation ne peut se faire de manière brutale, mais il est de notre responsabilité de dire qu’elle est nécessaire dans un objectif de justice sociale et écologique.

Notre responsabilité est d’offrir aux Français (es) en 2025 un modèle de développement nouveau, centré sur leurs besoins et leur bien-être. Cette mutation n’est pas une contrainte. C’est un objectif souhaitable qui permettra à notre pays de retrouver la confiance et la maîtrise de son destin. Et à notre jeunesse de retrouver espoir et optimisme. À travers le monde, des centaines de millions d’habitants regardent l’avenir avec enthousiasme et volonté. Il ne dépend que de nous de saisir les nouvelles opportunités du XXIe siècle. Elles exigent une transformation profonde de notre système de production mais aussi de notre système de pensée. Mais elles constituent pour notre pays un grand dessein et un grand destin : celui de changer d’horizon. Cela commence aujourd’hui.

Pour lire le texte original, on va sur le site du JDD.

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