L’auteur invité est Pascal Canfin, ministre du Développement du gouvernement de François Hollande.
Laisser son pétrole sous terre contre une subvention internationale : ce projet équatorien a échoué. Pour le ministre du Développement, Pascal Canfin, il doit être possible de monétiser certains biens naturels pour les préserver. Interview recueilli par Dominique ALBERTINI.
Après l’utopie, la gueule de bois. En Equateur, les organisations environnementales se mobilisent pour bloquer un projet d’exploitation pétrolière au sein de la réserve naturelle de Yasuni. Sur ce territoire, à l’orée de la forêt amazonienne, reposerait l’équivalent de 900 millions de barils, soit 20% des réserves en hydrocarbure du petit pays andin. En 2007, l’Equateur avait pourtant proposé de renoncer à cette manne, en échange d’une compensation financière versée par la communauté internationale : 2,7 milliards d’euros sur treize ans, c’est-à-dire la moitié de ce qu’aurait rapporté l’or noir enfoui sous la forêt. Le dispositif devait permettre d’éviter de considérables émissions de gaz à effet de serre.
Las, six ans plus tard, 10 millions à peine ont effectivement été versés au fonds des Nations unies chargé de centraliser les dons, selon le président du pays, Rafael Correa. Jeudi dernier, celui-ci a donc donné son feu vert aux travaux, tout en prometttant d’encadrer ceux-ci pour protéger au mieux la réserve. Montage visionnaire, malgré son échec, ou chantage à l’environnement ? Pour le ministre délégué au Développement, Pascal Canfin (Photo Reuters), le dispositif n’est pas généralisable, «mais peut faire sens sur des points particuliers de la planète».
Comment jugez-vous la décision de Rafael Correa ?
Je ne peux qu’en prendre acte. Cela dit, on ne sait pas encore dans quelles proportions le parc pourra être foré, ni même si le projet sera mené à bien, au regard de certaines règles locales et internationales. Pour ma part, j’avais soutenu l’initiative avant d’être ministre, alors que le gouvernement précédent avait refusé d’y contribuer. J’ai ensuite lancé une étude de faisabilité sur le financement d’un projet d’écotourisme pour valoriser le parc de Yasuni. Cette étude est presque achevée, et si elle démontre que le projet est viable, nous le financerons comme prévu en accord avec les autorités du pays. Ce n’est pas antinomique avec la décision du président équatorien sur Yasuni ITT.
La France s’était-elle engagée directement sur ce projet ?
Le financement du projet d’écotourisme se monterait à un million d’euros, mais nous ne nous sommes pas engagés dans le fonds spécial créé par l’Equateur et le Pnud. Nous voulons valoriser des activités concrètes apportant ressources et revenus aux populations amérindiennes qui vivent dans cette forêt.
Sur le fond, que pensez-vous du dispositif ?
Il a eu le mérite de poser la question de la valeur économique de la biodiversité. Il existe des endroits uniques comme Yasuni qui, si on les détruit, seront perdus pour toujours. Economiquement, pourtant, leur valeur est pour l’instant nulle. Il s’agit donc de leur reconnaître une valeur, une traduction monétaire, pour mobiliser des flux financiers permettant de les préserver. C’est un débat fondamental, ce n’est pas celui de la marchandisation de la nature, qui ne résoudra rien, mais celui de la reconnaissance de la valeur du vivant et de son utilisation durable.
L’initiative a pourtant échoué…
Ceux qui n’y ont pas contribué ont craint d’entrer dans un engrenage qui les ferait payer partout pour la non-exploitation du pétrole. Sous cette forme, en effet, l’idée n’a pas de sens. Nous ne pourrions pas payer à la fois le pétrole, les investissements nécessaires pour s’en passer un jour et les pays qui n’exploiteraient pas leurs ressources. La vraie question, c’est comment on réussit la transition écologique.
Le dispositif équatorien n’est donc pas généralisable ?
Non, mais il peut faire sens sur des points particuliers de la planète, lorsqu’il s’agit de préserver la biodiversité. Malgré l’échec de la tentative, cette question va resurgir Comment, alors, faire contribuer la communauté internationale ? Aujourd’hui, je n’ai pas la réponse. Et personne ne sait comment, demain, on fera vivre 9 milliards d’habitants sur une planète aux ressources limitées. C’est un grand défi pour l’humanité : articuler développement et protection de l’environnement.
Comment fixer un juste prix à cette biodiversité ?
La Banque mondiale mène tout un travail en ce sens : c’est le projet Waves, dont la France est l’un des principaux contributeurs. Il s’agit de trouver un consensus international pour mesurer la valeur de la biodiversité et pourquoi pas à terme créer un système de financement.
Pour lire le texte original, on va sur le site du journal Libération.
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