Un nouveau rapport des Amis de la Terre des États-Unis met en évidence l’échec de la Banque mondiale à respecter son engagement en matière de financement des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique. Les Amis de la Terre demandent un changement de cap radical de la politique énergétique de cette institution financière internationale supposée travailler au nom du bien commun.
Le rapport « Echec énergétique : comment la Banque mondiale échoue à financer les énergies renouvelables pour le développement » met en évidence que les financements de la Banque pour les énergies renouvelables n’ont augmenté que de 7 %, soit 14 millions $ supplémentaires seulement. Au Sommet mondial sur les énergies renouvelables de Bonn, en 2004, la Banque avait pourtant pris l’engagement d’augmenter ses financements en la matière de 20 % par an les 5 années suivantes.
Alors que le monde industrialisé lutte pour réduire ses émissions et s’apprête à négocier un traité climatique international à Copenhague, la Banque mondiale finance plusieurs milliers de mégawatts produits par les nouvelles centrales à charbon des pays en développement. Ce sont 37 milliards de dollars investis dans des centrales à charbon. Une nouvelle étude de Bruce Rich, auparavant à la fondation américaine Environmental Defense Fund, montre en effet que les institutions financières publiques internationales (Banque Mondiale, de la Banque Asiatique de Développement et autres institutions financières publiques internationales soutenues par les nations les plus prospères) ont donné 37 milliards de dollars pour la construction d’au moins 88 nouvelles centrales à charbon dans les pays en développement depuis 1994. Qui plus est, ces 37 milliards de dollars de financement direct en ont garanti 60 autres en provenance de fonds privés et locaux, ce qui monte l’investissement total dans les nouvelles centrales à charbon des pays en développement à plus de 100 milliards de dollars. Ces mêmes prêteurs ont engagé 6 milliards de dollars ces 15 dernières années pour aider les citoyens les plus vulnérables à s’adapter au réchauffement climatique. Mais ce n’est qu’une fraction des 100 milliards investis dans des centrales à charbon.
Selon Mindy S. Lubber, présidente de Ceres, une coalition américaine d’investisseurs et de leaders dans l’environnement, ces 88 centrales à charbon vont émettre 792 millions de tonnes de CO2 par an, réduisant à néant la réduction d’émissions à laquelle le projet de loi Waxman-Markey espère aboutir d’ici la prochaine décennie. Pour Mindy Lubber, il y a un meilleur moyen d’alimenter les pays pauvres en électricité : les institutions financières internationales devraient investir davantage dans les énergies renouvelables et la modernisation des réseaux. Elle donne deux exemples de l’État de Gujarat, en Inde, où une énorme centrale à charbon de 4 000 MW, la Tata Mundra, est construite avec l’aide de la Banque Mondiale. Mais en même temps, l’État du Gujarat planifie des projets de 7 000 MW d’énergies solaires et éoliennes sans aucune aide des banques internationales de développement.
Donc, les pratiques de la Banque mondiale vont à l’encontre de ses engagements. Elle continue avant tout de financer l’augmentation des émissions de GES dans des projets très controversés comme le gigantesque oléoduc Baku-Tbilissi-Ceyhan (mer Caspienne). La Banque a réagi en cherchant à démontrer qu’elle dépassait ses engagements, mais les chiffres qu’elle avance ne sont pas détaillés, alors que ceux des Amis de la Terre sont basés sur les données que la Banque elle même rend publiques sur son site.
La Banque mondiale a essuyé un autre camouflet, qui discrédite fortement son action contre les changements climatiques, suite au refus du Congrès des États-Unis de participer au nouveau Fonds pour les technologies propres créé par la Banque, qui lui reproche d’avoir inclus les centrales à charbon dans la liste de ses technologies « propres ». Pour Karen Orenstein, des Amis de la Terre États-Unis, « les membres du Congrès soucieux du changement climatique, en particulier dans les pays en développement, n’allaient pas donner un chèque en blanc à la Banque mondiale. Des ressources publiques limitées ne doivent pas alimenter un Fonds pour lequel il est acceptable de financer du charbon « un peu moins sale » au nom de la lutte contre les changements climatiques. »
S’ils ont rejeté l’initiative de la Banque mondiale, les députés américains ont décidé de verser dix millions de dollars à un fonds climat des Nations unies. Ce montant est encore faible, mais le geste est crucial, car il s’agit de la première contribution des États-Unis à un mécanisme des Nations unies pour le climat.
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