Alors que le ministre des Finances du gouvernement fédéral confirmait il y a deux semaines qu’il allait abolir le crédit d’impôt pour fonds de travailleurs, les dirigeants des deux fonds, Yvon Bolduc et Léopold Beaulieu, ont fait connaître une « proposition raisonnable » qui permettrait de maintenir en vie le crédit d’impôt de 15 % tout en faisant économiser 300 millions de dollars sur 10 ans au fédéral. Malheureusement, je crois que les propositions qui seront faites pour faire changer d’opinion ce gouvernement seront systématiquement rejetées parce qu’il s’agit d’abord et avant tout d’un geste politique : celui de répondre aux demandes d’une base électorale de droite, anti-syndicale et anti-québécoise, avant les prochaines élections. Les fonds de travailleurs représentent dans ce contexte la victime idéale : une initiative syndicale qui profite principalement aux travailleurs syndiqués et à l’économie du Québec.
Il n’y a aucune autre raison pour expliquer cette mesure. Sauver 160 millions $ de dépenses fiscales par année ? C’est de la foutaise. L’IREC a fait une étude de retombées fiscales en utilisant la méthode développée par Investissement Québec. Elle démontre, comme le précise Léopold Beaulieu dans l’article cité précédemment, que « pour chaque dollar en crédit d’impôt, en 2012-2013, […] les revenus fiscaux tirés par le gouvernement fédéral étaient de 1,09 $ ». On peut à ce propos lire les explications sur la méthodologie utilisée pour faire ces estimations dans un bulletin de l’IRÉC (lire l’encadré aux pages 3 et 4).
Par ailleurs, dans une note de recherche de l’IRÉC publiée au début de 2012, où je comparais l’avantage fiscal des fonds de travailleurs à celui pour les gains en capital, j’obtenais des résultats assez évidents : la dépense fiscale pour les fonds de travailleurs ne dépassait pas 125 millions $ par année pour le gouvernement fédéral. En comparaison, la dépense fiscale pour l’exemption de gain en capital se chiffrait entre 380 et 580 millions $ pour la période de 2005 à 2010. Donc que l’on ne vienne pas me dire que la raison principale du gouvernement Harper est de diminuer les dépenses fiscales !
Pourtant il y a encore pire : la dépense fiscale rattachée au CÉLI créé par Harper en 2008. Elle était estimée à 305 millions $ pour la seule année 2012. Mais dans son budget de 2008, le ministère des Finances estimait que le CÉLI devrait entraîner pour le gouvernement fédéral seulement une dépense fiscale annuelle de 3 milliards $ lorsque cet outil sera pleinement utilisé par la population canadienne, soit vers 2029. 3 MILLIARDS $ ! Ce gouvernement a créé un véritable gouffre financier pour les finances publiques et il a le culot de nous dire que l’abolition du crédit d’impôt pour fonds de travailleurs est une mesure pour diminuer les dépenses fiscales !
Mais c’est sur le plan de la logique économique que l’on peut le mieux constater toute l’irrationalité de cette décision de couper le crédit pour fonds de travailleurs. Pour une dépense fiscale moyenne d’un peu plus de 100 millions $ pour chacun des deux niveaux de gouvernement, les deux fonds de travailleurs québécois recueillent annuellement, en moyenne au cours des années 2005-2010, 710 millions $ de fonds nouveaux. Grâce à ces nouveaux actifs récoltés auprès des Québécois, ainsi qu’aux profits réalisés dans le cadre de leurs activités, les deux fonds de travailleurs ont investi (pendant la même période de six ans) une moyenne annuelle de 697 millions $ dans des projets à impacts économiques québécois. Au total, pour les six années étudiées, on peut dire que pour un coût de 636 millions $ pour chaque niveau de gouvernement, les fonds de travailleurs ont investi 4,2 milliards $ directement dans les entreprises québécoises en plus de placer un montant à peu près équivalent sur les marchés financiers, majoritairement sous la forme d’obligations.
Cette mesure fiscale est un outil de développement économique principalement utilisé par les Québécois. C’est la raison pour laquelle les Conservateurs y vouent une telle hargne.
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