Difficile de faire mieux dans la bisbille pour une décision si attendue. Le choix a fait quasiment l’unanimité…contre lui ! Choisit en catastrophe pour essayer de camoufler l’incompétence du gouvernement dans la surveillance de la Caisse de dépôt et de placement, le nouveau PDG Michael Sabia n’est pas le bienvenue à la tête de l’une des plus importantes institutions financières du Québec (CDPQ).
L’opposition péquiste rejette carrément le choix de Michael Sabia à la tête de la Caisse : « Nous ne partageons pas la décision du gouvernement de Jean Charest de nommer Michael Sabia à la tête de la Caisse de dépôt et placement du Québec », a dit d’entrée de jeu la chef de l’opposition officielle, Pauline Marois. De son côté, Québec solidaire dénonce la nomination de M. Sabia, comme un choix « révoltant », selon la porte-parole Françoise David. Le nouveau président passe à ses yeux pour « un autre financier, issu de l’économie casino et de la culture affairiste du libre marché ». Comme le souligne justement Mme David, l’époque où il était à la tête de BCE, « seul son portefeuille personnel semble s’en être bien tiré ».
Du côté de l’ancien premier ministre du Québec, Bernard Landry, sa réaction est « très négative », du fait de « sa culture économique [associée au ROC], ce qui n’est pas un défaut en soi, mais qui ne qualifie pas pour diriger la plus grande institution financière de la nation québécoise », a dit M. Landry. Selon lui, ses activités passées alors qu’il dirigeait BCE démontrent qu’il n’a pas l’instinct nécessaire pour diriger la Caisse. « Il a contribué au transfert de la propriété et des activités de BCE vers Toronto. Le grand patron de la Caisse doit tenir compte des intérêts de l’économie québécoise… Il faut avoir fait preuve qu’on en est un défenseur. Et M. Sabia, en tout respect, a fait le contraire ».
Celui qui a dirigé la Caisse pendant un mandat complet de dix ans, de 1980 à 1990, Jean Campeau, met en garde le choix d’un nouveau dirigeant qui viserait la recherche du rendement à tout prix, au détriment de la gestion du risque et sans prendre en compte l’intérêt du Québec. La vente de la montréalaise BCE au fonds de pension ontarien Teachers n’est pas vue d’un bon œil par l’ancien PDG de la Caisse. M. Campeau se base aussi sur la performance de M. Sabia à la tête de BCE pour questionner ses qualités de gestionnaire. « On rapporte qu’il est incapable de prendre des décisions, qu’il blâme les autres pour ses échecs, est-ce que c’est vrai? Je ne le sais pas, mais j’espère que non. Pour être dirigeant de la Caisse, il faut avoir la passion du Québec, il faut avoir une attitude missionnaire dans le développement régional, et je me demande si M. Sabia a ça en lui », a commenté M. Campeau. Selon M. Campeau, la réputation de Michael Sabia dans le domaine de la bonne gestion serait nulle. Il rapporte que de bons employés de la Caisse ont déjà appelé des sociétés de placement pour se trouver un nouvel emploi.
Les critiques fusent de partout, même de l’intérieur du PLQ. « Je souhaitais que cela n’arrive pas », aurait confié hier, au sujet de cette nomination, un libéral très influent qui a requis l’anonymat. Depuis le ratage de la vente de BCE à des intérêts ontariens, Michael Sabia ne serait pas, comme qui dirait, un « icône » du modèle québécois dans les milieux d’affaires montréalais selon un autre ténor du parti de Jean Charest. Pour le fondateur du Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires, Yves Michaud, le processus de décision qui a mené à sa nomination soulève de nombreuses questions : « Cette nomination est faite alors que le conseil d’administration est amputé de la moitié de ses membres », selon M. Michaud, qui aurait préféré que ces postes soient pourvus avant de nommer le nouveau PDG. « C’est une bien piètre démonstration de la qualité de gouvernance de M. Tessier et du gouvernement. » On apprend, par exemple, que Me Jean-Pierre Ouellet, qui était vice-président des affaires juridiques au CN pendant le règne de Paul Tellier et Michael Sabia, est devenu membre du conseil de la Caisse trois jours avant de participer à une réunion du comité de sélection. M. Ouellet travaillait auparavant chez Stikeman Elliott, où il avait hérité du mandat de la privatisation du CN. Il connaît M. Sabia depuis 1994.
La Caisse de dépôt est une institution clé, qui devrait jouer un rôle accru pour renouveler la structure économique québécoise dans un contexte de transformation en profondeur du modèle de développement. Comme le souligne Robert Laplante, si l’on veut une mesure pour juger de la façon dont la Caisse s’acquitte de sa mission, il faut se demander la part des placements qui y est canalisée. Or, on constate qu’en douze ans, le poids relatifs de l’ensemble des placements au Québec de la Caisse est passé de 46,40% à 16,94%. C’est ça qu’il faut changer à la Caisse.
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