L’auteur invité est Jean-Paul BIOLLUZ.
Réunis du 9 au 11 novembre à Chamonix à l’occasion des 6es Rencontres du Mont-Blanc, les dirigeants internationaux de l’économie sociale et solidaire ont affirmé vouloir contribuer « A changer le cap de la mondialisation, notamment, en influant sur les objectifs du Millénaire pour le développement post-2015 ».
Pour la première fois, un ministre, Benoît Hamon, ministre délégué à l’Economie sociale et solidaire, apporta le soutien du gouvernement à cette manifestation placée sous le haut patronage de François Hollande. Benoît Hamon, annonça « que François Hollande engageait la France aux côtés des acteurs internationaux de l’économie sociale et solidaire en vue de la constitution auprès des institutions des Nations Unies d’un groupe de pilotage international de l’économie sociale et solidaire. »
Un groupe de pilotage de l’ESS auprès des Nations Unies
Ce groupe réunira acteurs de l’économie sociale et solidaire, représentants de différentes instances de l’ONU, comme le Pnud, la Cunced, la FAO, le BIT, mais aussi des représentants de gouvernements chargés de l’économie sociale et solidaire. Il aura pour objectif d’accroître la structuration et la visibilité de l’ESS auprès de l’ONU. Le but est que dans ses stratégies de développement, celle-ci tienne de plus en plus compte des valeurs, des pratiques, des idées, des perspectives et des propositions de l’économie sociale et solidaire.
Pour l’économie sociale et solidaire, cette stratégie vise à accroître ses capacités d’intervention pour « Changer le cap de la mondialisation ». La constitution de ce groupe de pilotage a officiellement été lancée à l’occasion de cette 6e édition des Rencontres du Mont-Blanc. Le gouvernement équatorien participera à cette initiative : sa représentante, Mme Doris Josefina Carrion, ministre de l’Inclusion économique et sociale de l’Equateur, était d’ailleurs présente au forum.
Novembre devient le mois de l’ESS au niveau international
Autre grande première lancée lors de cette 6e édition des Rencontres du Mont-Blanc, celle d’un mois de novembre international de l’économie sociale et solidaire. Cette annonce a été faire en présence de Jean-Louis Cabresprines, président du Centre national des chambres de l’économie sociale (CNCRES), cheville ouvrière de ce mois de popularisation de l’économie sociale et solidaire en France. L’irruption sur la scène internationale de cette manifestation vise, comme en France, à faire connaître l’économie sociale et solidaire et à renforcer sa dynamique propre pour en accroître les capacités en tant que mouvement de transformation sociale.
Comme à son habitude, le 6e Forum international des dirigeants de l’économie sociale et solidaire avait pour objet d’émettre et de faire vivre des idées nouvelles, de favoriser les échanges entre les acteurs internationaux de l’économie sociale et solidaire afin de faire circuler les expériences et de proposer des perspectives d’action.
Après avoir abordé lors des précédents forums les questions de l’alimentation, de l’énergie, de la visibilité de l’économie sociale et solidaire, du développement durable, le thème et le fil rouge de cette 6e édition tournaient autour des politiques, des méthodes et des moyens à mettre en œuvre pour « changer le cap de la mondialisation ».
Objectifs du Millénaire pour le Développement : des propositions ESS pour 2015
Dans un document préparatoire, les acteurs de l’ESS estiment que les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) définis en l’an 2000 pour 15 ans, ont, certes, été à l’origine d’importantes réalisations, mais non pas vraiment atteint leurs buts dans leur totalité. « Le but principal était de réduire l’extrême pauvreté et de diminuer l’écart entre une population importante très pauvre et une minorité très riche. » L’objectif est loin d’être atteint. La crise même a durci la situation pour nombre de citoyens aussi bien des pays du sud que des pays du nord. Peu ébranlé, le système à l’origine de cette dégradation de la vie de centaines de millions de personnes a continué à prospérer sur des positions et des pouvoirs dominants qui demeurent ceux en place avant la crise de 2008.
Les responsables internationaux de l’économie sociale et solidaire considèrent que pour sortir de cette emprise de misère et de l’injustice, « il faut opposer les valeurs qui sous-tendent l’économie sociale et solidaire à celles qui président à l’actuelle mondialisation où le droit à l’accumulation l’emporte sur le devoir du partage, la concurrence sur la solidarité, la propriété intellectuelle sur le partage des savoirs, le chacun-pour-soi sur la production de biens publics et leur bonne gestion, et la décision autocratique sur la démocratie participative ».
Raison pour laquelle, ils souhaitent intervenir et faire des propositions auprès des instances de l’ONU afin que celles-ci les prennent en compte dans le cadre de la préparation de la stratégie de développement et de lutte contre la pauvreté qui prendra en 2015 le relais des « Objectifs du Millénaire pour le Développement ».
Le choix des alliances
Dans une déclaration finale publiée à l’issue de ces 6es Rencontres du Mont-Blanc, les responsables internationaux de l’économie sociale et solidaire affirment vouloir renforcer son rôle dans la stratégie de l’ONU de la sortie de la misère de centaines de millions de personnes.
Dans cette déclaration, il est entre autres noté que des actions de lobbying seront engagées pour que, dans tous les pays, des lois sur l’ESS soient votées et que les indicateurs des entreprises de l’ESS soient intégrés dans les systèmes nationaux de statistiques. Il s’agit aussi, dans la déclaration, de renforcer les alliances entre les banques coopératives et les nouveaux système de financement (crowfunding,…) pour développer les capacités de financement de l’ESS ; d’œuvrer pour que soit créé un fonds de garantie international de l’ESS, de planifier des actions communes avec la Confédération internationale des syndicats et la Confédération européenne des syndicats, de créer des alliances entre l’ESS et les fédérations mondiales des villes et territoires pour que l’ESS soit incluse dans l’agenda de l’habitat 3,….
Au-delà des objectifs qu’elle entend mettre en oeuvre, l’économie sociale et solidaire propose des méthodes de décisions et d’actions. Elle mobilise des acteurs qui s’identifient mutuellement et s’associent face à un besoin commun ou une aspiration. Les entreprises de l’ESS n’ont pas pour finalité l’accumulation des richesses mais la satisfaction des besoins humains. L’ESS favorise la croissance des capacités humaines en basant les relations sociales sur la coopération, l’association et la solidarité. Elle renforce la résilience de leurs membres face aux dérives sociétales, et tente de promouvoir la participation de tous aux décisions. La culture participative et le respect de l’autre sont des pratiques qui s’apprennent dans les entreprises de l’ESS et qui, ensuite, ont des résonances dans d’autres dimensions de la vie sociale et politique.
En phase avec les mouvements qui traversent la société
Cette philosophie, ces perspectives, les modes d’actions et de décisions de l’ESS semblent coller aux attentes d’une partie de plus en plus large des citoyens, acteurs économiques, salariés,… Ainsi, « les mouvements qui traversent nos sociétés, estiment les responsables de l’économie sociale et solidaire, semblent conforter l’existence d’un potentiel de croissance de l’ESS. Les citoyens et la société civile réinvestissent dans une certaine mesure les champs économiques, sociaux, environnementaux et politiques. La demande pour des formes plus respectueuses de production et d’échange et en augmentation constante. L’intérêt pour le commerce équitable et les productions alimentaires non chimiques croît, de même que l’intérêt pour la protection de l’environnement. Les excès de la finance sont moins tolérés et fascinent moins. Certes, considèrent les responsables de l’ESS, on ne peut parler d’une vague porteuse, mais ces frémissements peuvent être amplifiés car l’ESS répond à un besoin réel. »
Dans la ligne droite des éditions précédentes, cette 6éme édition des Rencontres su Mont-Blanc vise tout à la fois à renforcer et structurer l’économie sociale et solidaire au niveau international afin d’en accroître la force d’intervention sur le terrain, mais aussi les capacités d’influencer les décisions internationales afin de les orienter vers une mondialisation plus humaine. Cette stratégie passe par un changement d’échelle pour l’économie sociale et solidaire, une action menée en alliance avec de nombreux partenaires, tant les syndicats que les mouvements sociaux, les collectivités territoriales au plus près du terrain, les Etats et les instances internationales pour la promotion de politique de développement durable contre la misère mais aussi par mobilisation citoyenne et démocratique autour des valeurs de l’économie sociale et solidaire. Pour que change le cap de la mondialisation !
Pour lire le texte original, on va sur le site de Nord-social Info.
Discussion
Pas de commentaire pour “Du terrain à l’ONU : « Changer le cap de la mondialisation »”