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Le samedi 23 avril 2022

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Les emplois verts : mythe ou réalité ?

L’auteur invité est Alain Lipietz, directeur de Recherche au CNRS, ex-député européen Vert.

Extraits de la première partie d’un article d’Alain Lipietz paru dans la revue Projet.

« Un million d’emplois supprimés, si l’on sort du nucléaire », menaçait le patron d’EDF, Henri Proglio (Le Parisien, 9 novembre 2011). 632 000 emplois créés, évalue Philippe Quirion, du CNRS-Cired, dans son étude sur le Scénario Négawatt, qui projette de sortir du nucléaire en 20 ans tout en divisant par 16 la production de gaz à effet de serre (GES) ! Qui croire ? Bien sûr, le discours « à la louche » de H. Proglio s’oppose au discours savant de Négawatt et du Cired. Surtout, ils divergent quant à l’honnêteté intellectuelle : les discours contre la transition énergétique ne parlent que des emplois supprimés, ceux du Cired (ou des économètres du modèle ThreeMe de l’Ademe-Ofce) font bien la différence entre les emplois créés par la transition (1 583 000 à l’horizon 2030), et les emplois supprimés (958 000). Le premier parle en brut (et il exagère), le second parle en net (et minore les résultats favorables à la cause qu’il défend).

Mais au-delà des slogans et des malhonnêtetés, le scepticisme sur les « emplois verts » a reçu un renfort inattendu : celui d’un certain radicalisme vert, souvent lié au mouvement de la Décroissance. Pour cette tendance, il n’y a pas de possibilité d’emplois verts – du moins dans la transition énergétique – car il n’est pas possible de « découpler » le Produit Intérieur Brut (PIB) et l’énergie consommée. Pour réduire la production de déchets nucléaires ou de gaz à effet de serre, la seule solution est de réduire la consommation énergétique, et donc le PIB ; or celui-ci (on le lui a assez reproché !) n’est que la mesure de l’activité humaine rémunérée (production marchande + salaires non-marchands). Sortir du nucléaire et sauver l’atmosphère, c’est réduire massivement l’activité et donc l’emploi, sauf partage tout aussi massif du travail et des revenus.

J’apprécie le militantisme des décroissants et autres locavores, qui, dans leurs pratiques quotidiennes, mettent en accord leurs idées et leurs actes. Incontestablement, la dégradation de l’environnement résultant de l’activité humaine, ralentir cette activité est le moyen le plus sûr de préserver l’environnement. Statistiquement, ils ont parfaitement raison. Moralement, ils sont exemplaires. Je n’en dirai pas autant de ceux qui brandissent l’impossibilité du découplage, soit par une forme de dandysme intellectuel, soit politiquement pour justifier l’inutilité du réformisme, et qu’il faut ou tout changer ou ne rien changer du tout. Conscient qu’il faudra à la longue tout changer, je sais que chaque année, chaque mois perdu ne se réparera jamais, et que tant qu’on n’a pas tout changé, il faut du moins freiner au maximum l’irréversible.

Ne négligeons pas non plus les avertissements des ingénieurs « verts », qui nous mettent en garde contre une confiance béate dans les possibilités techniques (et encore plus sociales) du « découplage ». Typique est la contribution de Thierry Caminel à l’Institut Momentum, et sa conclusion brutale : « Il n’y aura pas de découplage fort entre consommation énergétique et activité économique. » Certes, ce texte semble s’appuyer davantage sur des considérations générales étayées par de rares évaluations réelles, contrastant avec celui de P. Quirion qui recense une avalanche d’études internationales et se fonde sur les données courantes de la comptabilité nationale française. Mais il nous oblige à creuser jusqu’à la racine du problème, ou du moins à dissiper les malentendus et les sophismes pour discuter sur une base claire.

Quel est au fond le problème de l’écologie politique ? Quels pourraient être les indicateurs d’une telle politique ? Peut-on espérer créer des emplois en luttant pour améliorer la situation écologique ? (et nous parlons d’emplois nets : emplois créés moins emplois supprimés !) Et cela suffira-t-il pour que chacun puisse enfin retrouver une place dans la communauté ? Car au fond c’est de cela qu’il s’agit dans ce débat. L’écroulement inattendu des espérances écologistes (qui avaient pourtant bien résisté à la crise en 2008/2009) est en effet très fortement lié à ce souci immédiat : « D’abord créer des emplois, après on s’occupera de l’écologie », dominant jusque dans l’électorat écologiste. Lors des élections de 2012, les partis concurrents des écologistes n’avaient donc plus qu’à brandir (avec le succès que l’on sait) des citations éparses des partisans de la Décroissance convergeant avec le discours de H. Proglio. […]

Pour lire la suite dans le texte original, avec les nombreuses références, on va sur le site d’Alain Lipietz.

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