L’auteur invité est Christian de Perthuis, professeur d’économie à l’université Dauphine et collaborateur à Alternatives Economiques.
Le retrait en catastrophe de l’écotaxe poids lourd à l’automne dernier est emblématique de l’échelle de priorités de nos dirigeants. Marasme économique, risques d’explosion sociale, inversion problématique de la courbe du chômage…, pas d’hésitation à avoir : commençons par réparer l’économie et à colmater l’hémorragie des emplois ; on verra plus tard pour l’environnement. L’économie d’abord, l’écologie ensuite !
Et pourtant, c’est une erreur majeure de diagnostic : la crise économique actuelle relève déjà pour une part non négligeable de la crise écologique qui est au coeur des problèmes centraux qu’auront à résoudre nos sociétés au XXIe siècle. Renoncer à s’y préparer dès aujourd’hui, c’est s’engager dans une impasse. Notre économie se développe bien sûr grâce aux facteurs de production classiques : capital humain, équipements, matières premières… Mais elle repose aussi sur les grandes fonctions régulatrices assurées par la nature : le climat, le cycle de l’eau, la biodiversité…
Nos modes de production actuels détruisent ce capital vert que nous n’avons pas produit par notre épargne et notre investissement, mais sans lequel notre activité ne pourrait plus se développer. Pour enrayer la destruction de ce capital, il faut attribuer un coût aux multiples atteintes qu’on lui inflige. En tarifant les nuisances environnementales, au moyen de taxes ou de marchés de permis, on réoriente la consommation et l’investissement.
A long terme, peu de gens doutent que la société sortirait renforcée d’un tel basculement des valeurs. Mais ne faut-il pas accepter d’en payer le prix par moins de croissance à court terme ? Pas nécessairement : tout dépend de la façon dont on s’y prend. Prenons l’exemple de la France qui a bien besoin de remettre à plat sa fiscalité : la fiscalité écologique y est pour l’instant l’une des plus faibles d’Europe. Si on basculait 10 % de nos impôts actuels pesant sur le travail ou le capital vers des taxes tarifant la pollution, l’impact économique serait bénéfique à très court terme. Si on compense en plus judicieusement l’effort demandé aux consommateurs par une redistribution des revenus pour réduire la précarité des foyers les plus vulnérables, l’écologie devient aussi un levier de transformation sociale.
Accompagnons cette réforme fiscale d’une réorientation des investissements publics et d’une mobilisation des acteurs économiques prêts à agir en ce sens, à qui on donnerait plus de visibilité, et on a tous les ingrédients d’une relance immédiate de l’activité et de l’emploi. Il faut inverser l’ordre des priorités : l’écologie d’abord, l’économie suivra !
Pour lire le texte original, on va sur le site d’Alternatives Economiques.
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