Dans un rapport de recherche de l’IRÉC, trois chercheurs proposent une innovation financière simple et transparente pour financer l’habitation durable et qui permettrait au gouvernement d’agir sans s’endetter tout en ne pénalisant pas l’épargnant. Le CÉLI Habitation Durable (HD) donnerait accès à une épargne populaire à bas coût pour le financement d’une ambitieuse politique nationale du logement. « Le domaine de l’habitation peut jouer un rôle névralgique pour une reconfiguration soutenable du modèle québécois de développement », expliquent Gilles L. Bourque, Gabriel Ste-Marie et Pierre Gouin, auteurs de l’étude de l’IRÉC.
« Ce nouvel outil public permettrait de canaliser une épargne à bas coût vers du financement hypothécaire de long terme. L’aide publique au développement de l’habitation durable prendrait alors deux principales formes : d’une part, par des prêts hypothécaires d’Investissement Québec (IQ) à la Société d’habitation du Québec (SHQ) à des taux d’intérêt privilégiés; d’autre part, comme c’est déjà le cas à l’heure actuelle, par la transformation de ces prêts en subventions de la SHQ lorsque les projets soumis par les partenaires du milieu respectent les conventions d’exploitation » précisent les chercheurs.
Éviter la bombe à retardement fiscale du CÉLI
Les dépenses fiscales rattachées au CÉLI (les revenus fiscaux non perçus par les gouvernements en raison de cette mesure fiscale) sont d’ores et déjà importantes. Le gouvernement fédéral estime ses dépenses fiscales de 2012 pour le CÉLI à 305 millions $. En se limitant aux dépenses fiscales attribuables aux seuls actifs québécois, le manque à gagner pour 2012 serait d’environ 73,2 millions $ pour le gouvernement canadien et de 61 millions $ pour le gouvernement québécois. Pire, dans son budget de 2008, le ministère des Finances estimait que le CÉLI entraînerait pour le gouvernement fédéral seulement des dépenses fiscales annuelles de 3 milliards $ lorsque cet outil sera pleinement utilisé par la population canadienne, soit vers 2029. Pour le Québec, il s’agirait d’une dépense fiscale estimée à 600 millions $ par année.
« Afin de désamorcer cette “bombe à retardement fiscale”, nous proposons donc que le gouvernement du Québec adapte sa participation au CÉLI canadien. En s’inspirant de l’expérience française dite du Livret A, nous proposons que ce CÉLI québécois (CÉLI HD) soit dédié à une politique nationale de l’habitation durable. En outre, en imposant aux détenteurs de compte du CÉLI HD un maximum de 20 000 $ à vie libre d’impôt, nous estimons qu’il pourrait atteindre une charge fiscale totale l’État de 34 milliards $ lorsqu’il atteindrait sa maturité. C’est donc quatre fois moins important que l’estimation de l’encours du CÉLI actuel », indiquent les chercheurs.
Une approche collective qui ne pénalise pas l’épargnant
« Le CÉLI, disent les chercheurs, peut servir à résoudre des problèmes urgents dans notre société. Le CÉLI HD par exemple tout en ne pénalisant pas l’épargnant permet au Québec d’aller de l’avant pour résoudre ses problèmes de logement, d’efficacité énergétique et de création d’emploi. N’oublions pas que la liste des ménages en attente d’un logement social gravite, bon an mal an, autour de 40 000. Par ailleurs, le secteur de l’habitation (résidentiel, commercial et institutionnel) est responsable de 10,8 % des émissions de GES au Québec, se situant comme le troisième émetteur en importance ».
Des retombées importantes
Pour illustrer le potentiel de cet outil financier collectif, ils proposent deux programmes d’investissements qui permettraient au Québec de construire 120 000 logements sur un horizon de 20 ans et d’encourager la rénovation écoénergétique d’un million de logements. « La réalisation de ces deux programmes permettrait, à la fois, de répondre à des besoins urgents en matière d’habitations durables et d’améliorer l’efficacité énergétique du secteur de l’habitation; pour ce dernier aspect, nous avons calculé que cette proposition génèrerait des économies d’énergie de plus de 16,5 milliards de GJ par année soit plus de 414,5 milliards de GJ sur 25 ans, se traduisant par des économies nettes de 14,6 milliards $ en dépenses énergétiques de la part du million de ménages touchés; enfin, ces deux programmes permettraient également la création de près de 8 000 nouveaux emplois permanents et entraîneraient des retombées fiscales annuelles de 210 millions $ », soutiennent-ils.
Cependant, selon les chercheurs de l’IRÉC, « ces retombées bienvenues pour l’économie québécoise exigent, de la part du gouvernement, qu’il s’engage dans trois dynamiques soutenables sur le long terme : 1) dans le domaine financier, qu’il sorte le plus rapidement possible du gouffre fiscal dans lequel l’enferme la formule du CÉLI créé par le gouvernement canadien en proposant sa propre formule (le CÉLI HD) dédiée à l’habitation; 2) dans le domaine social, qu’il procède au rapatriement de la mission du logement social (que le gouvernement fédéral refuse dorénavant d’assumer) par le biais d’un transfert de points d’impôt ou d’une contribution inclue au Transfert canadien en matière de programmes sociaux; 3) dans le domaine environnemental, qu’il prenne ses distances avec la politique énergétique du gouvernement fédéral, tournée exclusivement sur les énergies fossiles.
Vous pouvez télécharger le rapport de recherche Habitation durable et rénovation énergétique : agir sans s’endetter. L’IRÉC a également produit un bref résumé sous forme de Questions & Réponses afin de faciliter la compréhension de la proposition. Enfin, un article de Gérard Bérubé du journal Le Devoir vient compléter la couverture de ce rapport.
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