L’auteur invité est Christian Chavagneux, rédacteur en chef adjoint d’Alternatives Economiques et rédacteur en chef de la revue L’Economie politique.
Le président de la République veut baisser les dépenses publiques pour compenser la baisse des prélèvements sur les entreprises. Il a évoqué deux pistes : réduire le millefeuille administratif et la politique de santé. L’une est-elle meilleure que l’autre ? Oui : la seconde.
Tailler dans le millefeuille territorial
Rationaliser l’organisation de nos territoires paraît une idée de bon sens. Nous sommes le seul pays d’Europe à afficher
36700 communes auxquelles s’ajoutent des départements, des régions, des intercommunalités, des métropoles… Du fait de leur multiplicité, nos communes affichent 1800 habitants en moyenne contre 5500 pour la moyenne européenne, rappelle l’OCDE.
Le premier à avoir eu l’idée de rationaliser tout ça est… Clémenceau, en 1906 ! Autant dire que ça ne date pas d’hier et que les obstacles ont été nombreux pour passer des paroles aux actes.
Ils le seront toujours aujourd’hui. Et prioritairement à cause des problèmes d’emploi : la fonction publique territoriale emploie environ 1,8 millions de personnes dont la moitié dans les communes. Toute rationalisation effective du millefeuille administratif risque de se traduire par des suppressions d’emplois qui iraient à l’encontre de l’objectif d’inversion de la courbe du chômage.
D’autant plus que contrairement à ce que l’on peut imaginer, les emplois des collectivités territoriales concernent assez peu des fonctionnaires derrière leurs bureaus : ce sont principalement des personnes qui travaillent dans des crèches, des écoles, l’entretien de la voirie, les transports en commun, le ramassage de déchets, les pompiers, etc., autant de services publics dont on n’a pas vraiment l’impression dans notre vie quotidienne qu’ils soient présents en surabondance.
Si ces métiers devaient finalement sortir de la fonction publique pour être assurés par le privé, il n’est pas du tout certain que cela reviendrait moins cher à la collectivité : le transfert de gestion de l’eau, de l’assainissement ou des déchets au secteur privé s’est souvent traduit par un coût plus élevé. C’est mal parti pour faire des économies !
Une vraie politique de santé
Une voie plus prometteuse dans la capacité du pays à diminuer le coût de notre modèle social sans le remettre en cause passe par la définition d’une véritable politique de santé. Celle-ci devrait suivre quatre voies parallèles.
1. S’en tenir aux médicaments utiles : 9 médecins ont signé un article l’été dernier pour montrer que 100 médicaments essentiels peuvent guérir 95 % de nos pathologies. On a en France 4600 médicaments vendus sous 15 000 formes différentes ! Voilà assurément une piste d’économies importantes mais elle demande de s’attaquer aux rentes des laboratoires pharmaceutiques. Ce gouvernement y est-il prêt ?
2. Pousser les génériques : nombre de labos tentent de discréditer les génériques qui rapportent moins. Selon une enquête de la députée européenne Michèle Rivasi, Serge Rader (pharmacien) et Philippe Euven (président de l’institut Necker) les médicaments génériques ne représentent que 15 % des ventes totales et les Français paient leurs génériques plus chers que les autres Européens. Ils estiment l’économie possible à 10 milliards d’euros.
3. Les dépenses hospitalières représentent 46% de la consommation de soins et la médecine ambulatoire (on ne reste pas à l’hôpital, on rentre chez soi et on se fait suivre), moins coûteuse, seulement un quart. Lorsque le problème de santé le rend possible, un glissement du premier mode de traitement vers le second permettrait une diminution des dépenses de santé.
4. Une politique de prévention : la dépense de santé la moins chère est celle dont on n’a pas besoin ! Prenons l’exemple du diabète : à 90 %, les problèmes de diabète proviennent du diabète gras qui est lié à la mauvaise qualité du mode de vie et de l’hygiène alimentaire. Une politique de prévention efficace permettrait des économies substantielles : le coût des soins du diabète est estimé à 14 milliards par an quand la prévision de déficit de la sécurité sociale pour 2014 est de 13 milliards et le déficit de 2013 tourne autour de 16 milliards.
Au total, une politique de santé digne de ce nom représente un potentiel d’économie d’au moins 2 points de PIB, d’au moins 40 milliards d’euros, sans remettre en cause la qualité du service et même plutôt en l’améliorant !
Viser l’excellence de notre santé serait de plus un projet politique plus mobilisateur que de sembler courir coûte que coûte après les économies pour les économies, de manière purement comptable. Mais cela réclame une vision et un projet politique pour les citoyens plutôt qu’une calculatrice bloquée sur le signe moins et mise au service d’une baisse des charges à l’efficacité improbable.
Pour lire le texte original, avec les nombreuses références, on va sur le blogue de l’auteur.
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