L’auteur invité est Jean-Robert Sansfaçon, éditorialiste au Devoir.
Qui eût cru qu’une baisse d’à peine un quart de point du taux directeur de la Banque du Canada entraînerait une si forte réaction ? À vrai dire, il n’y a que M. Harper et son ministre des Finances, Joe Oliver, pour refuser d’ajuster le tir à la nouvelle réalité d’un baril de pétrole sous la barre de 50 $.
En expliquant la baisse des taux d’intérêt par le risque que fait courir la chute du prix du pétrole sur l’économie canadienne, le gouverneur de la Banque du Canada, Stephen Poloz, reconnaît que le pays est atteint du mal hollandais. Mais cette fois, ce sont les provinces de l’Ouest qui subissent le choc alors que les provinces du centre peinent à profiter des avantages d’un baril moins cher et d’un dollar déprécié.
Jeudi, le baril de brut a encore chuté de 1,24 $ et s’échangeait à 46,54 $. Pendant ce temps, le dollar canadien perdait aussi des plumes sous le double mouvement à la baisse du prix du pétrole et des taux d’intérêt.
De façon paradoxale pour qui vit au Québec ou en Ontario, la Banque évalue que la chute brutale du prix du pétrole risque de nuire, et non pas d’aider, à l’économie du pays. Car si un prix de l’essence moins élevé améliore le pouvoir d’achat des automobilistes, la dépréciation du dollar entraîne une augmentation des prix des produits importés qui occupent une portion importante du panier de consommation. Ce à quoi s’ajoute l’effondrement des investissements et celui des emplois dans l’industrie pétrolière, deux facteurs fondamentaux de la croissance canadienne des dernières années.
Même dans les Maritimes, le retour de l’Alberta de milliers de travailleurs exercera une pression sur le taux de chômage local, et ce, bien avant que l’industrie manufacturière ait eu le temps de profiter des avantages d’un dollar plus faible.
Encore une fois, voilà le drame de ce pays partagé entre une économie de ressources frappée par une tempête contre laquelle il ne peut rien, et une économie manufacturière touchée au coeur depuis plus de dix ans par un dollar dopé au pétrole.
Un pays dont le gouvernement central venu de l’Ouest a mis tous ses espoirs dans la promotion d’une seule industrie, rentable à l’excès en période de croissance mais d’une fragilité tout aussi extrême en phase descendante du cycle des ressources.
Au moment où l’économie canadienne aurait besoin d’un coup de pouce de ce gouvernement qui contrôle l’essentiel des outils de politique fiscale, celui-ci fait le mort sous prétexte de s’en tenir à l’essentiel qu’il résume en deux mots : équilibre budgétaire.
Privé de plusieurs milliards de revenus à cause de baisses d’impôt accordées à des entreprises, qui choisissent pourtant de distribuer des dividendes au lieu d’investir, et à des ménages à hauts revenus, qui préfèrent placer leur argent plutôt que de le dépenser, ce gouvernement fait l’inverse de ce qui serait nécessaire.
Alors qu’il faudrait rapidement doubler la mise dans les infrastructures et soutenir financièrement les milliers de travailleurs mis à pied qui s’ajoutent au nombre alarmant de chômeurs de longue durée, les ministres du gouvernement Harper font courir la rumeur de nouvelles compressions.
Ils laissent ainsi à la banque centrale le sale boulot de soutenir seule l’économie en réduisant ses taux d’intérêt. Et ce, malgré le risque que l’endettement accru des ménages fasse exploser la bulle immobilière à la moindre hausse du chômage. Voilà où peut conduire l’entêtement d’un gouvernement.
Pour lire le texte original, on va sur le site du Devoir.
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