L’auteure invitée, Clotilde de Gastines, fait partie de l’équipe de Metis (extraits)
La Confédération européenne des Syndicats (CES) [a tenu en mai dernier] une conférence sur la crise qui réunissait 82 organisations. Objectif : s’accorder sur les revendications syndicales en mettant l’accent sur la relance, par injection d’argent dans l’économie, par le développement des énergies vertes et des technologies durables, et sur le soutien à l’emploi avec des aides pour le chômage partiel, ainsi que des investissements dans la formation. C’est l’occasion également de faire le bilan sur le rôle de l’organisation, son fonctionnement et ses propositions pour l’avenir.
Après avoir condamné les politiques de dérégulation financière et économique de ses trente dernières années, John Monks, secrétaire général de la CES, affirme qu’« en principe dans un contexte de crise, les riches mettent de côté, tandis que les pauvres s’appauvrissent. Cette fois-ci, les riches devront porter la charge de la relance économique. Cette crise est une chance, parce qu’elle marque un tournant: elle prouve que nous ne pouvons pas continuer sans réguler ce capitalisme de casino. »
Cette crise va marquer le retour en grâce des États providence estime John Monks. « Tant du point de vue politique que philosophique, il faut changer de capitalisme. Les jeunes loups de New York et Londres se sont moqués de la vieille Europe peu compétitive, frileuse, sclérosée par ses systèmes de protection sociale, ils s’interrogent à présent sur les atouts de ce modèle ».
Sauver l’emploi
Les syndicats se mobilisent sur l’emploi. « L’Europe a réussi à coordonner le plan de sauvetage des banques, elle doit maintenant revoir sa politique industrielle, sociale et écologique. Les perspectives sur l’emploi sont désastreuses. Le taux de chômage moyen de l’Union européenne devrait culminer à 10% fin 2009, la politique européenne doit changer ».
Le chômage, les délocalisations font peur. Dans le rapport de force européen, le rôle des syndicats européens qui représentent 60 millions de salariés est incertain, tant ils doivent gérer priorités nationales et coopération syndicale.
« Gérer les tensions entre syndicats, ce n’est pas plus facile sur le territoire national que sur le territoire européen, tranche Joël Decaillon, secrétaire confédéral de la CES, issu de la CGT. Les travailleurs sont toujours en concurrence. C’est pourquoi à l’échelle nationale ils signent des conventions collectives. Salariés, sous-traitants, indépendants : le salariat n’est pas homogène. Les systèmes de solidarité doivent donc fonctionner aussi bien à l’échelon national, qu’à l’échelle européenne. Il faut créer les conditions de cette solidarité ».
Confortant le bilan tiré par des économistes sur la période 1995-2005 (le nombre d’emplois créés par les délocalisations serait 10 fois supérieur au nombre d’emplois détruits), John Monks ajoute que l’ouverture vers l’Est en 2004 a été très bénéfique. L’essor commercial a créé des centaines de milliers d’emplois. Les grands groupes (dans le BTP, les services, les banques…), ont profité à plein de la reconstruction. « Quand Nokia a délocalisé 3 000 emplois du site allemand de Bochum vers les sites finlandais et hongrois, et créé un nouveau site en Roumanie, ils ont envoyé sur place des ingénieurs, des machines et des commerciaux allemands ».
Renforcer le droit
Les États membres ont donc tout intérêt à consolider le droit du travail et le droit social européen. Une des priorités de la CES c’est d’appuyer ce message : L’Europe sociale ne peut pas se faire par à coups de règlements de la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE). […]
« Il faut harmoniser le droit du travail, insiste Joël Decaillou. La Roumanie et Bulgarie ont rejoint l’UE en 2007, pourtant 45% du travail s’effectue encore au noir, sans contrat de travail. La mondialisation ne doit pas se faire par un ajustement sur le travail au noir. Il faut concevoir la productivité de demain, empêcher le nivellement par le bas, le dumping social, politique, fiscal. C’est un enjeu majeur, car il interroge notre conception même de la démocratie : est-elle encore structurante dans le cadre mondial ? »
Selon Joël Decaillon, la cohésion n’est pas un vain mot. 65 mesures européennes encadrent déjà emploi et protection sociale en UE. Le Parlement est de loin le plus zélé en matière sociale. Decaillon se félicite néanmoins qu’une semaine après le G20, Barroso ait tenu un discours nouveau. La Commission travaille à présent sur un plan pour l’emploi, qui sera présenté lors du sommet européen des 18 et 19 juin. Si les institutions européennes et les chefs d’État s’accordent sur l’économie sociale de marché, leurs positions divergent sur plusieurs points : notamment les dépenses publiques et le soutien aux syndicats.
« La commission joue un rôle décisif dans le dialogue social, résume John Monks. Soit elle enjoint le patronat de changer de comportement (selon la méthode Delors), soit elle impulse une loi. L’UE fonctionne comme un ménage à trois : Cour de Justice, Commission, Parlement, le rôle de la CES est d’informer, de discuter, pour contribuer à inventer un nouveau modèle social ».
On peut lire le compte rendu complet de Clotilde de Gastines sur le site de Metis, correspondances européennes du travail.
bonjour,
je vous remercie d’avoir repris cet article, et je suis ravie de découvrir votre blog.
je tenais cependant à rectifier, car Metis est en fait féminin, sans accent; Metis est l’intelligence acquise par l’expérience du terrain en Grèce.
notre revue Metis essaie donc de tirer des enseignements de ces observations.
Très bonne suite à vous
Très cordialement