L’auteur invité est Pascal Canfin, Conseiller principal pour le climat du World Resources Institute (WRI) dans le cadre de la préparation du Sommet international sur le climat qui se tiendra à Paris en décembre 2015 (Cop 21). Propos recueillis par Laurent Jeanneau (Alternatives Economiques).
Où en est-on face à la crise climatique ?
L’année 2014 est l’année la plus chaude depuis que l’homme mesure le climat de la planète. Et les émissions de gaz à effet de serre ne cessent d’augmenter année après année. Le constat est donc noir.
Les scientifiques du GIEC, dont les conclusions sont pourtant adoptées à l’unanimité ce qui pousse aux compromis, ont donc du réviser leur scénario pour le futur : les températures qui étaient prévues il y a encore quelques années au moment du sommet de Copenhague comme le scénario extrême, sont maintenant dans les scénarios médians.
Il y a donc objectivement toutes les raisons d’être pessimistes sur la capacité des être humains à gérer cette responsabilité, qui est une première dans notre histoire.
Quelles seraient les trois mesures les plus urgentes à prendre pour y faire face ?
La première mesure est de trouver à Paris en décembre 2015 un accord international qui couvre l’ensemble des émissions de carbone, à la différence du Protocole de Kyoto qui ne couvre aujourd’hui que moins de 20 % des émissions mondiales.
L’accord entre la Chine et les Etat-Unis de novembre dernier est une bonne nouvelle puisque la Chine a pour la première fois accepté un pic de ses émissions et que les Etats-Unis ont annoncé un doublement de leur rythme de réduction de CO2. Mais l’addition des engagements pris actuellement par ces deux pays et par l’Union européenne est loin de nous remettre sur la trajectoire des 2 degrés, seuil que les scientifiques considèrent comme le « point de non retour » climatique. Les mécanismes d’augmentation des engagements de réduction des émissions sont donc un enjeu central du futur accord de Paris.
Que pourrait-on faire de plus ?
La deuxième série de mesure est d’intégrer la contrainte climatique dans l’économie de marché. Aujourd’hui le carbone que l’on émet est considéré comme une « externalité », à savoir un coût que personne ne paie. Or si chacun continue de ne pas le payer un peu, nous le paierons tous beaucoup !
D’où l’importance d’un prix du carbone dans l’économie, de l’obligation qui pourrait être faite aux agences de notation d’intégrer le risque climat dans la notation du risque des entreprises, etc. Autant de mesures qui « internaliserait » dans les décisions économiques, dans la mesure du risque et dans les calculs de rentabilité des investissements, le respect de la lutte contre le dérèglement climatique.
Ces mesures peuvent passer par l’accord de Paris, mais il est plus probable qu’elles se construisent en dehors du cadre onusien et puissent être annoncées en G20 ou dans d’autres enceintes comme un club de pays volontaires qui pourraient annoncer appliquer un prix du carbone compris entre 15 et 60 dollars la tonne avant la fin de la décennie.
Les économistes ont l’habitude de dire « there is no free lunch » autrement dit « tout se paie ». C’est vrai aussi en matière climatique !
Et la troisième mesure qui vous paraît indispensable ?
La troisième mesure… c’est de s’assoir et de prendre le temps de réfléchir à ce qui est vraiment important. Car on ne luttera pas contre le dérèglement des écosystèmes de notre planète uniquement par des mécanismes économiques ou des solutions techniques. Ils sont indispensables bien évidemment. Mais ils ne peuvent pas remplacer la sagesse de l’humanité.
L’hyperconsommation mondialisée est incompatible avec les limites de notre unique planète. Et dans notre monde du mouvement permanent, s’arrêter pour réfléchir est déjà un acte presque subversif !
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