L’auteur invité est Christian Chavagneux, éditorialiste au magazine Alternatives Economiques.
Les révélations du Consortium international de journalistes d’investigation confirment que le Luxembourg offre des accords fiscaux secrets (tax rulings) aux multinationales qui leur permettent de voler de la base fiscale aux autres pays.
Des instruments d’optimisation fiscale agressive
Sur la base de documents couvrant la période 2002-2010, on découvre que le Luxembourg a signé par l’intermédiaire du cabinet d’audit PricewaterhouseCoopers 548 accords avec plus de 340 entreprises. Sûrement bien plus au total car nul doute que les autres grands cabinets d’audit ont leurs propres clients.
Ces tax rulings, comme leur nom l’indique, sont des accords secrets, opaques, négociés de gré à gré entre une entreprise et le fisc pour fixer les conditions de son imposition « afin d’assurer une stabilité juridique » clament leurs défenseurs. Concrètement, cela consiste à valider des pratiques de minimisation des profits afin d’aboutir à une taxation faible, à priori de l’ordre de 3 %. Pour s’assurer un peu de recettes – multiplié par le nombre important d’entreprises concernées – quelques commissions et tout le business d’optimisation agressive qui va autour, le Luxembourg organise un détournement de recettes fiscales des autres pays.
La guerre contre les tax rulings à l’OCDE
Ces pratiques, que l’on retrouve aussi à grande échelle notamment en Irlande ou en Hollande, sont légales dans chacun des pays concernés. Mais elles résultent d’un comportement d’optimisation fiscale agressive et sont aujourd’hui sous le coup d’une double attaque.
Il est absolument nécessaire de lutter contre ces pratiques qui se répandent. Dans les documents proposés par le Consortium, on trouve une bonne cinquantaine d’entreprises françaises. Des banques – BNPP, BPCE, Crédit agricole -, l’assureur Axa, LVMH mais toutes les autres sont plutôt de taille moyenne. L’optimisation agressive n’est pas réservée aux seuls grands groupes multinationaux.
L’OCDE, qui mène la bataille contre les pratiques fiscales douteuses des multinationales pour le compte du G20, les pointe du doigt. L’obligation est faite de procéder à un échange « spontané » d’information sur ces pratiques : le Luxembourg sera censé par exemple informer le fisc français qu’il a accordé des rulings à des entreprises françaises. On peut, à juste titre douter de la volonté de mise en œuvre de la part du Luxembourg et des autres pays adeptes de ce genre de pratiques. Du côté de l’OCDE on répond qu’il y a également obligation faite aux entreprises de déclarer aux fiscs leurs montages fiscaux et que les administrations fiscales vont bénéficier d’une comptabilité pays par pays qui devrait leur permettre de voir dans quelle mesure de la base fiscale est artificiellement déplacée. A suivre donc.
La guerre contre les tax rulings en Europe
En tout cas, les choses avancent du côté européen car la Commission a lancé depuis quelques mois plusieurs enquêtes sur des rulings particuliers, par exemple entre Apple et l’Irlande, Amazon et le Luxembourg ou Starbucks et la Hollande. Les premiers documents qui en résultent montrent que la pratique des rulings pourrait être déclarée illégale au sein de l’union : ces accords donnent un avantage compétitif indu aux entreprises qui en bénéficient qui peut s’assimiler à une aide d’Etat. Ce que la Commission condamne au nom du principe de la concurrence libre et non faussée qui pourrait s’avérer utile dans la lutte contre les paradis fiscaux européens !
Les temps changent. Non seulement les lanceurs d’alerte se multiplient – à haut niveau compte tenu des informations qui fuitent – mais il y a aussi une réaction du côté politique. La lutte contre les paradis fiscaux est très loin d’être terminée et il faudra attendre de nombreuses années avant de juger de son efficacité. Mais, sur bien des aspects, elle est sérieusement engagée.
Pour lire le texte original, on va sur le blogue de l’auteur.
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