L’auteur invité, Jean-Marc Fontan, est professeur de sociologie à l’UQAM, co-directeur de l’Alliance de recherche universités-communautés (ARUC) en économie sociale et animateur du Blog de l’incubateur universitaire Parole d’excluEs
En 1961, dans le district Jiangsu de Chine, le village de Huaxi se démarque peu d’autres villages paysans de la région : travail de la terre pour un pécule et pauvreté en reste. Pourtant, en l’espace de quarante ans, le village est méconnaissable. Véritable eldorado industriel, la richesse et le bien-être à l’occidental sont au rendez-vous. La grue s’est envolée.
Pourquoi un tel miracle ? Le succès est associable à une combinaison de facteurs. Le leadership de Wu Renbao, la mobilisation de la communauté de petits producteurs de riz et un ensemble de règles relativement strictes du vivre ensemble n’y sont pas étrangers. De même les principes adoptés dès le départ d’une redistribution collective contrôlée des fruits de la production s’est ajusté à un bon sens des affaires et à une conjoncture favorable. La forte demande de produits sidérurgiques, d’un côté, et de vêtements à bon marché de l’autre, constitue certes des clés qu’ont su saisir les planificateurs initiaux pour transformer les assises paysannes en actifs industriels.
Le collectivisme a pris la forme d’une vaste société à actions dont les membres sont les familles fondatrices du village : sur la base de la citoyenneté villageoise s’est construit un actionnariat collectif au service d’une stratégie de développement en spirale. L’investissement local a fait office de pompe financière qui a alimenté en deniers et en force de travail les premières implantations industrielles du village. Dans une telle formule, certaines conditions s’imposent. Si les familles d’origine quittent, elles perdent tout.
Évidemment, les besoins en main-d’œuvre au cours des vingt dernières années ont cru rapidement. Huaxi a intégré vingt-six villages voisins. La population est passée de 1 500 familles à 60 000 personnes incluant 30 000 travailleurs migrants. Lesquels bénéficient de conditions salariales et d’une vie locale intéressante. Ils ne sont toutefois pas actionnaires.
Mains et pieds liés à une richesse nouvellement créée, tant les actionnaires villageois que les travailleurs migrants bénéficient d’une situation redistributive plus qu’intéressante.
Huaxi témoigne ainsi des possibilités de créer de la richesse à partir d’une mobilisation fondée sur une prise en charge collective. Des enseignements curieusement qui échappent à l’orthodoxie économique ! Nous en appelons donc aux économistes soucieux de penser autrement le rapport à l’économie pour contribuer au développement de modèles économiques qui soient inclusifs et redistributifs.
La population de Huaxi démontre à sa façon qu’une hirondelle en toute modestie est autant en mesure de faire son nid et de produire la richesse qui lui est nécessaire que d’attendre comme la cigale que le marché le fasse à sa place.
Tiré du Blog de l’incubateur universitaire Parole D’excluEs
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