Le G8 est mort, vive le G20 ! La grande rencontre annuelle des pays riches qui, depuis quelques années, avec le mépris bien caractéristique des grands dirigeants d’un monde imbu de sa supériorité, imposait l’idée du projet libéral global, doit maintenant faire place à un nouveau lieu de gouvernance où plusieurs projets doivent se confronter. Devant les conséquences désastreuses de la gouvernance libérale, l’heure est à la mise en place d’une nouvelle architecture mondiale.
Pour pouvoir endiguer la crise la plus importante que l’économie mondiale ait connue depuis la Seconde Guerre mondiale, les chefs d’État des pays riches ont dû se résigner à inviter les représentants légitimes des grands pays émergents et en développement. « Aujourd’hui, le monde a décidé d’unir ses forces pour combattre la récession globale », aurait déclaré le premier ministre britannique Gordon Brown, en invoquant l’avènement d’un « nouvel ordre mondial ». Le ton était donné. « Peu importe comment on le regarde, le sommet était historique. Il était historique par l’ampleur et l’importance des défis auxquels nous faisons face, mais aussi par la vitesse et l’ampleur de notre réponse », a déclaré le président des États-Unis Barack Obama.
Le grand gagnant de cette première manche du « nouvel ordre mondial » est le FMI. Remettant à un peu plus tard le nécessaire travail de régulation de la finance internationale (une prochaine rencontre du G20 est prévue à New York cet automne), les participants se sont tournés vers les institutions multilatérales. Le FMI se voit allouer près de trois quarts des 1 000 milliards $ annoncés ; c’est un triplement des ressources du FMI. De plus, il peut lui-même distribuer pour 250 milliards de dollars supplémentaires de Droits de tirages spéciaux (DTS), une création de liquidité mondiale. Est-ce la prémisse à la création d’une nouvelle monnaie internationale, comme le demande la Chine et la Russie, ça reste à voir, mais un pas est fait. Si, jusqu’à présent, seuls quelques petits pays ont fait appel au FMI – Islande, Hongrie, Ukraine – on s’attend à ce que de plus gros joueurs cognent bientôt à la porte pour pouvoir passer à travers la crise. Le Mexique, membre du G20, a d’ailleurs fait lui-même appel à une ligne de crédit de 47 milliards $. Pour Dominique Strauss-Kahn, directeur général du FMI, qui militait pour un changement de stratégie de l’institution, c’est une victoire. Pour Jérôme Sgard, économiste au CÉRI :
« Sur le plan institutionnel, on n’a pas affaire à un « nouveau Bretton Woods ». Plutôt à une série de décisions qui, réunies, changent assez nettement le profil de l’institution. Le FMI va ainsi pouvoir mettre en place un système de « clignotants », permettant de signaler des politiques économiques à risque, appelant corrections. Il va devenir une sorte d’agence de notation. Il va aussi satelliser le nouveau Conseil de stabilité financière, lancé hier. Et donc étendre son mandat dans un champ majeur de coopération internationale. Le Fonds pourra aussi s’endetter directement sur les marchés, chose exclue depuis toujours. Reste, enfin, le renforcement de sa gouvernance politique. »
En effet, d’ici 2011, le poids politique des pays émergents devrait y être accru de façon significative. Pour Christian Chavagneux, journaliste au magazine Alternatives Economiques, « les dirigeants politiques du G20 ont accouché d’un texte qui pose les principes d’un bouleversement de l’ordre financier mondial. » En plus du retour en force des institutions financières multilatérales, dans une nouvelle optique de régulation internationale, il voit favorablement la volonté des dirigeants du G20 à mettre la table pour « de nouveaux principes de régulation de la finance qui rompent avec le laissez-faire et la promotion de l’autorégulation par les acteurs privés des dernières décennies ». Ce qui est pour lui crucial, c’est que le champ d’application de la régulation financière est étendu à tous les acteurs financiers qui représentent des risques importants, notamment les fonds spéculatifs, et que les marchés de produits dérivés devront évoluer vers des transactions standardisées en passant par des chambres de compensation qui feront l’objet d’un contrôle public.
L’autre enjeu important abordé par le G20 est celui des paradis fiscaux. Selon Christian Chavagneux :
« Les paradis fiscaux qui s’attendaient à sortir de l’écran radar du G20 en lâchant quelques concessions minimes en sont pour leurs frais : le sujet est désormais bien ancré sur l’agenda politique mondial. De ce point de vue, les premiers échos du sommet auprès de l’administration américaine sont plutôt encourageants : les États-Unis pensent avoir posé une première pierre à laquelle d’autre pourront s’adjoindre en cas de besoin. »
La Confédération syndicale internationale (CSI) s’est aussi félicité du nouvel esprit qui anime cette rencontre des dirigeants du G20. Appuyé par le premier ministre australien (travailliste), Kevin Rudd, le président sud-africain, Kgalema Motlanthe, et le président brésilien, Lula da Silva, l’appel de la CSI de faire de l’emploi un thème qui devait figurer en bonne position à l’ordre du jour de la réunion a donné des résultats.
« Il semble y avoir ici la dynamique nécessaire pour mettre en place une réglementation du secteur des banques et de la finance, un point pour lequel les syndicats se battent depuis plusieurs années et dont la nécessité évidente est apparue lors la crise mondiale », a déclaré Guy Ryder, secrétaire général de la CSI. « Pourtant, nous ne relâchons pas la pression afin de nous assurer que les chefs d’état reconnaissent l’urgence d’accorder toute la priorité à la lutte contre la crise extrêmement grave que traverse l’emploi. Ils doivent avant tout garantir les emplois et éviter le risque latent de déflation salariale généralisée. Nous sommes également convaincus que le G20 doit poser les bases d’une nouvelle gouvernance et que l’OIT doit y occuper une place de choix aux côtés d’institutions financières et commerciales internationales réformées ».
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