Les choses s’annoncent plutôt mal : l’économiste Nouriel Roubini, qui doit sa renommée récente pour avoir été parmi les premiers à annoncer la crise de 2008, nous dit que nous sommes en train de revivre le même scénario que l’an passé.
En effet, lorsque l’on compare l’évolution du prix du pétrole de la période actuelle avec celle qui a précédée la crise, nous constatons effectivement que nous suivons les mêmes ornières qui nous ont conduit au ralentissement économique de 2007-2008 puis à la récession dont nous vivons encore aujourd’hui les conséquences néfastes en termes de pertes d’emplois, d’appauvrissement et de crise des finances publiques.
Selon Roubini, le rétablissement de l’économie auraient dû entraîner une remontée du prix du pétrole vers les 50 dollars. À plus de 80 $, comme il est aujourd’hui, il y a un écart de 30$ de trop dans les cours, qui s’explique par la spéculation. Roubini pensent que les acteurs qui empruntent à bon compte du dollar pour spéculer sur le pétrole risque de faire monter les prix à 100 $ le baril. Dans le contexte économique actuel de faible reprise, ce serait, dit-il, aussi dramatique qu’ont été les 145 $ en 2008 dans une économie en croissance. Pour Roubini, ce sont ces prix délirants du pétrole en 2008 qui ont été la principale raison de la crise économique. Il condamne la passivité des régulateurs qui croient au laisser-faire des marchés.
Le moteur qui était à la base de la spéculation de 2007-2008 était le fameux peak-oil et la consommation nouvelle des pays émergents. Aujourd’hui le moteur est alimenté par la défiance vis-à-vis du dollar. Il faut dire qu’avec un déficit budgétaire américain de 1 420 milliards de dollars, soit un déficit plus de 3 fois supérieur au précédent, les spéculateurs ont beau jeu de miser sur ces craintes. Le dollar US a perdu depuis le mois de mars 17 % de sa valeur contre un panier de grandes monnaies. En parallèle, les cours du pétrole sont passés de 40 $/baril à 80 $/baril.
Il est toujours facile de rejeter les causes de ces problèmes sur la spéculation. Mais s’il n’y avait pas d’abord, au départ, des contraintes réelles, sur le plan de l’offre ou de la demande, qui font en sorte que les prix réels sont différents de ceux que l’on souhaiterait bien voir, la spéculation ne pourrait pas se poursuivre sur une longue période et faire échapper la situation à tout contrôle. Pour bien comprendre, et mieux se préparer au fait que nous serons de plus en plus confrontés à ces phénomènes de poussées spéculatives, il faut tenir compte du fait que le modèle actuel de consommation matérielle sans limites construit lui-même le mur vers lequel il va tragiquement se fracasser s’il ne modifie pas ses manières de faire.
C’est ce que nous dit le conseiller scientifique en chef du gouvernement britannique, John Beddington, qui averti le monde politique et celui des affaires qu’il nous reste une vingtaine d’années pour nous préparer à cette fameuse « tempête parfaite » d’un développement insoutenable, combinant sur-utilisation des ressources naturelles, croissance démographique et changements climatiques. Pour Beddington, d’ici 2030 nous ferions face à des augmentations de 50 % de la demande en nourriture et en énergie et de 30 % en eau, alors que les changements climatiques auraient comme conséquences de diminuer la productivité agricole et d’augmenter la rareté de l’eau.
« There will not to be a complete collapse, but things will start getting really worrying if we don’t tackle these problems, » souligne Beddinton. « My main concern is what will happen internationally. There will be food and water shortages. »
Pour éviter cet effondrement économique et écologique, John Beddington appelle les responsables à investir massivement dans les nouvelles technologies propres et dans de nouvelles infrastructures (eau, transport) pour améliorer la « productivité matérielle » de nos modes de vie. Pour éviter les pénuries de ressources, il faut développer une économie dématérialisée, utilisant moins de ressources matérielles pour obtenir les mêmes résultats de bien-être.
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