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Le samedi 23 avril 2022

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Taxe Tobin, le retour

AlterEcoLes auteurs invités sont Jacques Cossart, Jean-Marie Harribey, Dominique Plihon, membres du Conseil scientifique d’Attac

Les ministres des affaires étrangères d’une dizaine de pays, se sont réunis à Paris le 22 octobre dernier à l’invitation de Bernard Kouchner. Ils ont demandé à un groupe d’experts de leur remettre en mai 2010 un rapport sur l’établissement d’une taxe sur les transactions financières afin de renforcer l’aide au développement. L’association ATTAC milite depuis longtemps pour promouvoir cette idée dans le débat public.

Une fiscalité globale, oui, mais pour quoi faire ?

Le ministre français des affaires étrangères s’est fait l’avocat d’une taxe sur les transactions financières « parce qu’il n’y a plus assez d’argent pour le développement ». Et Bernard Kouchner a invité ses collègues, ministres des affaires étrangères d’une douzaine de pays réunis dans une « Task force sur les transactions financières et le développement », à discuter de ses propositions le jeudi 22 octobre à Paris. Nous osons espérer que cette nouvelle initiative internationale ne sera pas uniquement un « coup médiatique » de plus, mais débouchera sur des propositions pour de véritables taxes globales à la hauteur des défis de la mondialisation aujourd’hui en crise.

De son côté, le FMI a également été mandaté par le G20 pour réfléchir à la faisabilité de taxes globales. Nous ne pouvons que nous réjouir de ces initiatives. Rappelons que cette question a déjà fait l’objet du rapport Landau, commandé par Jacques Chirac en 2004, qui a servi de base à un accord quadripartite (Brésil, Chili, Espagne et France) adopté en septembre 2004, aux Nations unies, entre 117 pays. Ce qui a donné naissance à une taxe sur les billets d’avion qui contribue aujourd’hui à financer la lutte contre les pandémies.

Attac a défendu dès sa création l’idée d’une fiscalité mondiale avec la taxe Tobin. Cette taxe visait à atteindre deux objectifs indissociables : lutter contre la finance spéculative et redistribuer équitablement les ressources entre les 6,5 milliards d’êtres humains de la planète. Ces objectifs allaient à l’encontre du « Consensus de Washington » dont l’objectif était de privatiser et de déréguler pour promouvoir le laisser faire, dans tous les domaines, au profit des seuls marchés à la place des États et des organisations internationales.

Avec la crise actuelle, le désert dans lequel nous prêchions s’est peuplé de nouveaux prophètes parmi les hommes politiques et les experts. Si la plupart font référence à James Tobin, une minorité mentionne Attac comme principale origine du renouveau de toutes ces propositions. Attac est peu attachée à la propriété intellectuelle. En revanche, elle l’est vis-à-vis du véritable progrès et elle se méfie des propositions politiciennes qui dénaturent celles destinées à transformer la mondialisation actuelle. Pour nous, les prélèvements sur les transactions financières internationales ne doivent en aucun cas prendre la forme d’une contribution volontaire, comme le propose Bernard Kouchner. Il doit s’agir d’une taxe et donc d’un prélèvement obligatoire. Car on voit mal comment cette taxe contre la spéculation pourrait être efficace si elle ne frappait que les spéculateurs volontaires !

Il ne faudrait pas, non plus, que cette taxe globale se substitue à l’aide publique au développement que les pays riches se sont engagés à verser aux pays en développement. Aujourd’hui, cette aide ne représente que le tiers de l’objectif de 0.7% du PIB qui avait été fixé. En aucun cas, la « contribution » sur les transactions financières proposée par M. Kouchner ne doit être le moyen pour les pays riches de se défausser des engagements qu’ils ont pris dans le passé. La dégradation de la planète et la crise actuelle sont le résultat d’un système économique global dont le critère ultime de décision est la rentabilité financière. Depuis les années 1980, les régulations publiques – en particulier, les accords de Bretton Woods de 1944 ainsi que la plupart des systèmes de protection sociale – ont été démantelées pour laisser opérer les seuls marchés au profit des pays riches et des détenteurs du capital.

Nous préconisons une rupture radicale par rapport à cette mondialisation devenue insoutenable. Une voie de ce changement est la préservation et la production de biens publics mondiaux (BPM) qui, hors de la portée des marchés, permettront à l’humanité de vivre dans le cadre de la société qu’elle aura choisie et sur une planète vivable pour les générations futures. Parmi ces BPM, on pense évidemment à la santé, à l’éducation, aux connaissances, à la sécurité alimentaire, au climat, à l’eau, ainsi qu’à la stabilité financière. Notons, à ce sujet, que l’un des deux lauréats du prix d’économie, décerné par la Banque de Suède, est Elinor Ostrom qui a été sélectionnée pour ses travaux sur les biens communs, tels que les « communs de la connaissance », menacés par la marchandisation.

La production de ces biens publics, ou biens communs, exigera des ressources publiques mondiales bien supérieures aux 20 ou 30 milliards indiqués par Monsieur Kouchner. Nos propositions de taxer l’ensemble des transactions financières et les bénéfices consolidés des multinationales, et de mettre en place des taxes écologiques, permettraient de collecter les 1 500 milliards nécessaires, soit 2,5 % du produit mondial. La réorientation écologique de l’économie mondiale répondant aussi à une exigence de justice sociale est à ce prix. Réorienter une fraction faible, mais stratégique, de la richesse mondiale produite par an relève-t-elle de l’utopie ?

On trouve ce texte sur le site d’Alternatives Economiques

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