La crise financière qui a frappée les pays développés et nous a fait passer à deux doigts de l’effondrement complet du système, a permis de brasser la cage des autorités de réglementation. Ce n’est pas d’hier que les ONG et certains gouvernements exigent une régulation plus serrée des marchés financiers et en particulier de ces lieux de quasi-non droit que constituent les paradis fiscaux. Mais systématiquement, les États-Unis, la Grande-Bretagne et tous les lobbys des grandes institutions financières réussissaient à faire capoter ces initiatives. Aujourd’hui les choses commencent enfin à changer.
On a vu récemment la justice étatsunienne s’attaquer au secret bancaire des banques suisses pour récupérer les impôts non payés de citoyens des États-Unis utilisant l’évasion fiscale à grande échelle. On vient maintenant de passer à une autre étape avec la promulgation d’une nouvelle loi, la Foreign Account Tax Compliance Act of 2009, parrainée par le sénateur démocrate Max Baucus (MT) et le représentant démocrate Charlie Rangel (NY). Dorénavant, pour avoir accès aux marchés financiers étatsuniens, les institutions financières étrangères devront dévoiler un ensemble d’informations qui permettront de mieux détecter les risques d’évasion ou de fraude fiscale. Celles qui refuseront se verront imposer une taxe spéciale de 30 % sur leurs actifs en territoire US.
Malheureusement, même si elle constitue un premier pas, cette loi protège encore les institutions financières étatsuniennes qui nourrissent le système des paradis fsicaux avec leurs milliers de filiales qu’elles y ont implantées. Selon l’organisme Citizens for Tax Justice (CTJ), la loi Baucus-Rangel représente un retrait important par rapport au projet initial qui avait été soumis par le tandem Doggett-Levin (Stop Tax Haven Abuse Act), qui aurait impliqué une enquête en profondeur des abus des banques étatsuniennes. Selon eux, alors que le projet Doggett-Levin aurait pu entraîner la récupération de 8 milliards $ annuellement en impôts, la loi Baucus-Rangel n’ajoutera que 9 milliards $ sur 10 ans dans le fonds consolidé du gouvernement. Pour le CTJ, le grand gagnant est : les Îles Caïmans.
Selon les autorités fiscales, 18 857 entreprises étatsuniennes ont des boîtes postales dans un édifice de 5 étages aux Îles Caïmans, alors que cet édifice n’a qu’un seul occupant physique : la firme d’avocats Maples and Calder. Morgan Stanley y a 158 filiales, Citigroup 90, Bank of America 58. Exxon, Dell, Goldman Sachs, News Corp., Pepsi et United-Health y ont toutes des addresses postales.
Dans le domaine de la lutte aux paradis fiscaux, l’intervention du G20 c’est bien, mais le militantisme des ONG c’est bien mieux. Ainsi, le nouveau classement des « juridictions à secrets » du réseau Tax Justice Network (TJN) démontre, entre autres, que la liste grise établie par l’OCDE n’est pas fiable.
« Sur les dix territoires qui arrivent en tête de cette liste, seul Singapour figure encore sur la liste de l’OCDE », commente Jean Merckaert du CCFD-Terre solidaire, membre de la Plate-forme des paradis fiscaux et judiciaires, une ONG française partenaire du TJN. Ces dix premiers sont, dans l’ordre, l’État du Delaware aux États-Unis, le Luxembourg, la Suisse, les Îles Caïman, la City de Londres, l’Irlande, les Bermudes, Singapour, la Belgique et Hong-Kong. Le classement du TJN évalue à partir de 12 critères plus de 60 territoires avec des pratiques de transparence déloyales.
On trouve la liste des 20 plus importants paradis fiscaux sur le site d’Alternatives Economiques.
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