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Le samedi 23 avril 2022

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En ces temps incertains, on ne peut éviter un vrai débat de société

OFRWR-ALLEMAGNE-CHOMAGE-MANIFESTATION-20090516Les auteurs invités sont Michel Doré, Marilyse Lapierre, Benoît Lévesque, Yves Vaillancourt. Michel Rioux et Gilles Bourque

L’importance, pour ne pas dire l’urgence d’organiser la réflexion collective sur l’état de notre démocratie et l’avenir de notre société devrait nous interpeller puissamment. Il se présente en effet des moments qu’il faut saisir dans l’histoire des peuples quand les vieux modèles, épuisés, atteignent leurs limites et conduisent à de nouvelles impasses. À défaut, nous serions condamnés à reculer dans la recherche du bien commun et d’une société plus juste.

Ce sont ces constats qui nous ont amenés à proposer l’ouverture d’un vaste Chantier sur le renouvellement de la social-démocratie au Québec à l’occasion, entre autres, de la publication d’un texte qui se voulait un appel et qui a été publié dans Le Devoir du 2 septembre et du 3 septembre. Depuis, plusieurs équipes de travail se sont mises en branle sous la direction d’un consortium dirigé par l’Institut de recherche en économie contemporaine (IREC) et la Chaire de recherche du Canada en mondialisation, citoyenneté et démocratie de l’UQAM. Des chercheurs du CERIUM, de l’Observatoire de l’administration publique de l’ENAP et des Éditions Vie Économique participent activement aux travaux préparatoires. Le lancement officiel de la démarche aura lieu le 10 décembre.

Un cul-de-sac

Le Québec est en panne. En manque d’une vision du présent et de l’avenir susceptible de nous faire progresser.

La baisse constante de la participation aux élections est plus qu’inquiétante car c’est la démocratie représentative qui est directement mise en cause. On a mis à jour l’ampleur de la corruption autour des travaux publics, la prévarication, le gaspillage des fonds public, la dévalorisation des institutions, le népotisme, l’impuissance − quand ce n’est pas la complicité − de hauts fonctionnaires et d’élus. Malgré que tout cela fût connu, Montréal en particulier n’a pas voté. Le cynisme et le désenchantement conduisant à la démobilisation, le lien de confiance est rompu. Le syndicalisme, qui a longtemps été un moteur de transformation sociale, semble d’autre part de moins en moins en mesure de reprendre l’offensive.

Berlin et son mur, dont nous avons célébré le 20e anniversaire, a marqué la fin du socialisme réel d’inspiration marxiste et, il y a un an, l’éclatement d’une crise financière majeure a fortement ébranlé les prétentions hégémoniques d’un capitalisme sauvage d’inspiration néolibérale, qui n’est pas mort cependant. On constate en effet que les mêmes forces dominantes veulent toujours fonctionner dans la seule recherche de leur intérêt à court terme, comme en témoigne le retour en force de la place et des profits pharaoniques des banques aux États-Unis. Les plus riches vont continuer de s’enrichir et les plus pauvres de s’appauvrir, alors que l’économie réelle est toujours fragilisée. Avec la mondialisation, le pouvoir des États-nations a été affaibli, ce qui devrait appeler à une réorganisation du politique pour que le bien commun prévale sur les intérêts particuliers.

La détérioration de l’environnement et le sentiment de la précarité de la vie sur terre forcent un nouveau modèle de développement. En revanche, un développement durable remet en question le productivisme et la consommation effrénée qui ont prévalu jusqu’à maintenant. Mais les dirigeants politiques, la plupart du temps liés aux grandes entreprises, n’osent pas appliquer les solutions qui pourraient contribuer à changer ce paradigme.

Une perte de repères

Tout cela, et bien d’autres facteurs, a engendré une crise des valeurs. Nous sommes collectivement en perte de repères ; un peu partout, la gauche est en déclin ou s’accroche à de vieilles recettes devenues inefficaces, abandonnant les lieux aux fondamentalismes et aux populismes qui promeuvent le recul de droits individuels et collectifs chèrement acquis et qui conduisent à l’intolérance, à la fermeture aux autres, au racisme. Dans bien des domaines, les partis réagissent au cas par cas, sans vision d’ensemble. En devenant chef du Parti Québécois, Pauline Marois exprimait sa volonté de renouveler la social-démocratie. Depuis, plus rien. On attend toujours que Québec solidaire formule une alternative crédible au capitalisme. Et pour donner l’impression d’agir, les Libéraux au pouvoir s’agitent. Pendant ce temps, le débat sur la question nationale est ensablé depuis le référendum de 1995, alors que le poids politique des Québécois diminue inexorablement.

Le goût de l’avenir

Tout n’est pas noir, par contre. Et comme le disait Hölderlin : « Là où croit le danger, croît aussi ce qui sauve ». Nous avons au Québec un grand nombre d’acquis qu’il faut revaloriser, mais dans un contexte nouveau. De nouvelles valeurs sont en émergence, de nouvelles expériences porteuses sont conduites dans plusieurs milieux. De nouvelles voies sont ouvertes. Les citoyens s’engagent dans de nouveaux enjeux. Une démocratie locale agit, même si elle n’est pas relayée par les institutions politiques. Dans certains domaines, le Québec est même à l’avant-garde. Mais tout cela est fragile.

Pour sortir de notre impuissance collective et retrouver le goût de l’avenir, la nécessité s’impose de lancer de nouveaux débats, de se donner une vision à long terme, de mobiliser celles et ceux qui croient d’abord aux valeurs d’égalité, de liberté, de solidarité, de démocratie et de développement durable. Ce Chantier veut réunir tant des théoriciens que des praticiens du développement de la société québécoise autour des grands enjeux que nous avons identifiés. Nous sommes convaincus que les partis politiques et les organisations syndicales, communautaires et populaires ne peuvent faire l’impasse sur une réflexion agissante touchant l’ensemble de ces questions.

La démarche proposée, qui ne se veut pas prétentieuse mais audacieuse, s’inscrit dans cette perspective.

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