Statistique Canada a publié le mois passé les statistiques financières des entreprises publiques et privées. Par entreprises publiques, il faut ici comprendre les sociétés d’État et non pas les entreprises dites « publiques » parce qu’inscrites à la Bourse, en opposition aux entreprises dont l’actionnariat est totalement privées. Quoiqu’il en soit de la différence entre les deux enquêtes (celle sur les entreprises publiques est annuelle alors que l’enquête sur les entreprises privées est trimestrielle), elles donnent un portrait intéressant et contrasté de l’entreprise au pays.
Selon l’enquête annuelle de Statistique Canada, les bénéfices après impôts des entreprises publiques fédérales, y compris les autorités monétaires, ont atteint 5,7 milliards de dollars en 2008, en hausse de 4,7 % par rapport à 2007. Les entreprises publiques provinciales et territoriales ont affiché une baisse de 1,8 % par rapport à 2007, leurs bénéfices s’étant établis à 18,7 milliards de dollars en 2008. Les bénéfices après impôts des entreprises publiques locales ont atteint 977 millions de dollars en 2007, en baisse de 7,3 % par rapport à 2006.
Parmi les entreprises publiques fédérales, ce sont celles du secteur de la finance, des assurances et des services immobiliers qui sont à l’origine de la plus grande partie des bénéfices totaux. Parmi les entreprises publiques provinciales et territoriales, ce sont celles des services publics (dont Hydro-Québec) ainsi que des services personnels, des services aux entreprises et des autres services qui sont à l’origine de la plus grande partie des bénéfices totaux. Parmi les entreprises publiques locales, le secteur de la production d’électricité est à l’origine de la plus grande partie des bénéfices totaux.
En 2008, le total de l’actif des entreprises publiques fédérales, y compris les immobilisations, s’est établi à 254,7 milliards de dollars, en hausse de 32,8 % par rapport à 2007. Le total du passif a augmenté de 35,4 %, pour se fixer à 236,1 milliards de dollars. L’avoir net total des entreprises publiques fédérales s’est établi à 18,6 milliards de dollars, en hausse de 7,1 %. Entre 2003 et 2008, l’avoir net total des entreprises publiques fédérales a presque doublé. Le revenu total des entreprises publiques fédérales, y compris les autres revenus, a progressé de 18,3 % pour s’établir à 30,3 milliards de dollars, tandis que leurs dépenses totales ont augmenté de 22,0 % pour atteindre 24,6 milliards de dollars.
Au cours de cette période de cinq ans, l’actif total des entreprises publiques provinciales et territoriales s’est accru de 3,8 % pour s’établir à 264,3 milliards de dollars, tandis que leur passif a aussi augmenté de 3,8 % pour se fixer à 222,9 milliards de dollars. Leur avoir net total a également plus que doublé en 2008, passant à 41,4 milliards de dollars, en hausse de 3,9 % par rapport à 2007. Le revenu total des entreprises publiques provinciales et territoriales, y compris les autres revenus, a progressé de 0,8 % pour s’établir à 86,7 milliards de dollars en 2008, tandis que leurs dépenses totales ont augmenté de 1,5 % pour atteindre 68,0 milliards de dollars.
Du côté des entreprises publiques locales (il s’agit principalement des sociétés de transport en commun et de distribution d’électricité), leur revenu total combiné a augmenté de 6,9 %. Les ventes de biens et de services ont progressé de 6,5 %, et elles ont été à l’origine de la majeure partie de la hausse. Les revenus de placement ont augmenté de 36,2 %, et les subventions, de 7,2 %. Le revenu des entreprises de distribution d’électricité a connu une hausse de 7,5 %, tandis que celui des entreprises de distribution de gaz a progressé de 6,9 %. Le revenu des entreprises de transport en commun urbain a progressé de 5,3 %, alors que 48,2 % du revenu total de ces entreprises a été le fait de la vente de biens et de services, et 48,8 %, de subventions.
Statistiques financières de l’entreprise privée
Statistique Canada a presque simultanément produit les statistiques financières des entreprises privées pour le troisième trimestre de 2009. Les bénéfices d’exploitation des sociétés canadiennes se sont chiffrés à 54,1 milliards de dollars au troisième trimestre, en hausse de 7,9 % par rapport au trimestre précédent. Cette augmentation survient à la suite de trois replis trimestriels consécutifs des bénéfices d’exploitation. Les bénéfices dans les secteurs non financiers ont augmenté de 10,4 % par rapport au deuxième trimestre pour s’établir à 41,7 milliards de dollars, tandis que ceux des secteurs financiers étaient relativement stables, les entreprises ayant fait état de bénéfices de 12,4 milliards de dollars, en hausse de 0,3 % au troisième trimestre. Les hausses ont été généralisées : 18 des 22 industries ayant déclaré des bénéfices plus élevés au troisième trimestre.
Il faut cependant tenir compte que cette « embellie généralisée » a surtout profité aux pétrolières. Les bénéfices des entreprises d’extraction pétrolière et gazière ainsi que des fabricants de produits du pétrole et du charbon ont augmenté de 20,4 % pour se chiffrer à 5,9 milliards de dollars au troisième trimestre. Cette augmentation a été entièrement attribuable à la hausse des prix du pétrole, et non pas à leurs efforts pour augmenter leur productivité.
Les fabricants ont enregistré des bénéfices d’exploitation de 9,4 milliards de dollars au troisième trimestre, en hausse de 28,6 % par rapport au deuxième trimestre. Cela se compare toutefois à des pertes d’exploitation de 1,0 milliard de dollars au deuxième trimestre de 2009 et de 1,7 milliard de dollars au premier trimestre de 2009. Les résultats affichés au troisième trimestre ont été en partie attribuables aux mesures incitatives du gouvernement des États-Unis, lesquelles ont stimulé la demande d’exportation de véhicules automobiles canadiens et de pièces vers ce pays.
Finalement, il faut souligner plus spécifiquement les résultats financiers des entreprises financières. De façon relative, on peut dire que malgré l’augmentation des bénéfices de 0,3 % pour le secteur financier, qui fait suite à trois replis trimestriels consécutifs des bénéfices, la situation reste fragile. C’est que les sociétés d’assurance de biens et de risques divers ont enregistré des baisses importantes ce trimestre, le mauvais temps ayant multiplié les demandes de règlement. Après tout, c’est vrai que les changements climatiques ont bien des retombées « matérielles » sur les résultats ! Mais les hausses du secteur bancaire et des autres entreprises d’intermédiation financière par le biais de dépôts ont compensé les baisses dans les assurances. La hausse des rentrées de dividendes, des commissions et des frais a contribué à l’augmentation des bénéfices au troisième trimestre.
Ce qu’il faut retenir des résultats financiers des entreprises du secteur de la finance, c’est que les banques parviennent encore à accaparer une part des bénéfices totaux nets qui va bien au-delà de leurs contributions aux revenus totaux : 10 % des revenus totaux mais presque 50 % des bénéfices d’exploitation et 25 % des bénéfices nets. Nous l’avons déjà dit, les caractéristiques oligopolistiques du système financier canadien, bien qu’il ait permis une plus grande stabilité pendant la crise, représentent une mainmise extraordinaire des financiers sur le bien public. Pourtant, cette rente que les dirigeants de la finance s’accaparent n’est possible que parce que l’État régulateur a légiféré en ce sens et qu’il en assume les risques ; ne devrait-il pas en engranger plus substantiellement les bénéfices ? Pour ce faire, il faut qu’il augmente les taxes sur les transactions financières.
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