Après une semaine de discussions, nous sommes encore loin du compte. Chacun s’est campé sur ses positions, à l’exception, heureusement, d’une Europe avant-gardiste, volontariste, qui cherche à tirer les autres pays vers une entente forte, qui est prêt elle-même à hausser la barre pour donner l’exemple.
Dans le domaine du financement, les pays européens ont annoncé leur intention de verser 2,4 milliards d’euros par an, sur trois ans, d’aide aux pays pauvres sur le climat. Il s’agit d’une enveloppe supérieure à l’objectif initial d’environ 6 milliards. Cette aide, qui constitue un des enjeux principaux des négociations internationales en cours à Copenhague sur la lutte contre le réchauffement climatique, doit permettre aux pays en développement de mettre en place des technologies moins polluantes et de faire face à l’impact du réchauffement climatique sur trois ans (jusqu’à la fin due la durée du protocole de Kyoto, en 2012).
Le chèque européen doit venir financer à la conférence de Copenhague un pot mondial d’aide aux pays en développement évalué à 10 milliards de dollars par an pendant trois ans. La contribution de l’UE s’élèvera donc à près d’un tiers de l’enveloppe mondiale. Reste donc à présent à savoir ce que les Etats-Unis, le Japon ou l’Australie mettront sur la table. A ce plan d’aide immédiat jusqu’en 2012, doit ensuite succéder un mécanisme pérenne associant fonds publics et privés, avec des besoins grimpant fortement avec le temps. C’est un autre point essentiel d’une entente post-Kyoto.
Côté CO2, les dirigeants français et britannique ont indiqué vendredi que l’UE devrait confirmer sa volonté de réduire de 30% leurs émissions de gaz à effet de serre en 2020, peu importe si les autres grands pays font des offres comparables. Les Européens sont encore partagés sur l’opportunité d’augmenter dès à présent leur objectif de 20% à 30% d’ici 2020 par rapport à 1990, la Pologne et d’autres pays d’Europe de l’Est s’y opposant. La présidence suédoise de l’UE a ainsi réaffirmé que les offres des autres grands pays, notamment les Etats-Unis, n’étaient pas suffisantes en l’état pour franchir le pas.
Or les Etats-Unis ont contesté le projet d’accord contre le réchauffement présenté vendredi parce que le Protocole de Kyoto reste l’instrument légal pour les grand pays en développement, qui appellent l’ensemble des pays industrialisés à réduire de 40 % leurs émissions de gaz à effet de serre d’ici 2020 par rapport à 1990. C’est la position adoptée à Pékin par cinq grands pays émergents dont nous avons parlé la semaine dernière. Elle correspond aux engagements qui étaient assignés aux pays développés dans le cadre de la 1ère phase (2008-2012 – 5 %), « multipliés par huit ».
Malgré le discours mitigé de la délégation étatsunienne, qui commence à relativiser la cible pour 2020 en mentionnant une fourchette de 3 à 6 %, il faut comprendre que le président Obama n’a pas les coudées franches en mettant déjà sur la table les cartes qui lui restent. Derrière les paroles, il faut tenir compte des gestes. Parmi ceux-ci, le plus intéressant est arrivé la semaine dernière. Suite aux décisions positives prises par la Cour Suprême des Etats-Unis, un décret a été signé lundi qui devrait en effet permettre à l’EPA (Agence étatsunienne de protection de l’environnement) de pousser les autorités à édicter des règles sans passer par le Congrès. On sait que le projet de loi démocrate qui prévoit de réduire les émissions de CO2 dans la proportion promise par Barack Obama ne doit pas être adopté au Sénat avant 2010, alors que des élus républicains prennent prétexte du « Climategate », cette monumentale farce grotesque qui ne mérite pas plus d’une ligne […], pour refuser toute réglementation sur le changement climatique.
Par ailleurs, à l’exception probablement de la Chine, aucun autre pays n’a investi aussi massivement dans un programme de passage à une économie sans carbone que les États-Unis (90 milliards $). L’administration Obama va aussi faire passer une nouvelle réglementation sur les consommations standards des véhicules qui va changer radicalement les émissions carbones du secteur du transport.
Du côté de l’Inde et de la Chine, ils ont eux aussi réaffirmé leurs intentions de diminuer significativement la croissance de leurs émissions de CO2 : des diminutions de 40-45 % pour la Chine et de 24 % pour l’Inde. D’autres grands pays émergents tels que le Brésil, le Mexique, l’Indonésie et l’Afrique du Sud ont pris des engagements fermes de réduction, enchâssés dans des programmes clairement identifiés.
Selon les spécialistes du Center for American Progress, nous serions aujourd’hui, avec les engagements déjà connus, à près de 65 % des cibles de réductions dont nous avons besoin permettant de limiter la concentration de GES dans l’atmosphère sous la barre des 450 ppm et limiter la hausse des températures moyennes à 2oC au-dessus de la moyenne pré-industrielle. Les négociations de cette semaine doivent forcer la main des récalcitrants, en particulier du Canada. Nous n’avons aucune confiance dans la volonté du Canada d’atteindre la faible cible de 3 % pour 2020. La communauté internationale doit acculer le Canada dans les cables et le soumettre à la volonté commune.
Les 17 et 18 décembre, pour les deux dernières journées de négociations de la conférence, plus de 100 dirigeants, dont le président Obama et le président russe Dmitri Medvedev, seront présents. Nous pourrons alors constater s’ils sont véritablement au service de leur population respective ou au service d’intérêts privés opposés à une entente forte de Copenhague
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