L’auteur invité est Paul Krugman, columniste dans le New York Times, professeur à l’Universitaire Princeton et Prix Nobel d’économie 2008
Quels sont les perspectives pour les USA ? Paul Krugman, qui continue de juger que la relance américaine a été insuffisante, s’attend à plusieurs années de stagnation, avec un chômage élevé persistant, et une notion de la prospérité qui devra être « revue à la baisse ». Dans cette situation sociale difficile, avec une administration qui n’a pas su s’imposer face à Wall Street et aux banquiers, il prévoit que ce sont les Républicains qui devraient bénéficier du mécontentement populaire lors des élections de mi-mandat. (Contre Info)
Obama pourrait-il se ressaisir d’ici là ? « Le temps est passé où l’on pouvait faire confiance à l’administration pour qu’elle entreprenne ce qui est nécessaire – tout porte à croire qu’elle ne le fera pas de sa propre initiative, » conclut-il, sans dissimuler sa déception.
Que va-t-il se passer au plan économique et politique au cours des prochaines années ? Personne ne le sait, bien sûr. Mais j’ai mon opinion. Voilà ce que je pense être la trajectoire la plus probable des événements. Elle est assez sombre – mais pas au sens habituel.
Commençons par le court terme économique. Nous sommes maintenant au lendemain d’une crise financière gigantesque, et elles sont habituellement suivies par une période prolongée de ralentissement économique. Les choses ne seront pas différentes cette fois. Au début l’année, une politique économique plus audacieuse aurait pu provoquer un renversement de tendance, mais nous n’avons eu droit qu’à des demi-mesures. En conséquence, le chômage devrait rester proche de son niveau actuel durant un an ou plus.
Politiquement, il est difficile d’entreprendre quelque chose sur ce front. Avec ces demi-mesures économiques l’administration Obama s’est prise dans un piège : une grande partie de l’establishment politique considère désormais que l’efficacité du plan de relance a été démentie par les faits, de sorte qu’il est très difficile de reprendre cette politique et de l’amplifier jusqu’au niveau qui aurait du être atteint dès l’origine. En outre, maintenant que l’apocalypse a été contenue, les anti-déficits sont revenus à leurs fondamentaux et critiquent toute politique génératrice de dépenses.
Le résultat, cela sera un chômage élevé jusqu’aux élections de 2010, et en conséquence des pertes électorales pour les Démocrates. Ces revers seront d’autant plus importants du fait qu’Obama, en adoptant une politique constamment favorable aux banquiers sans même faire un geste face à la colère populaire contre les plans de sauvetage, a abandonné cette énergie populaire à la droite, tout en démoralisant le mouvement qui l’a porté au pouvoir.
Malgré cela, les élections de mi-mandat ne donneront probablement pas aux républicains la majorité à la Chambre. Mais les pertes seront suffisamment importantes pour qu’Obama ne dispose pas d’une majorité sur laquelle compter pour adopter des mesures importantes d’ici la fin de son premier mandat. (Je suppose qu’il va être réélu, pour cause d’horribles candidats Républicains). Dans le mesure où les Républicains sont farouchement opposés à quoique ce soit qui pourrait selon moi contribuer à sortir l’économie de l’ornière, cela va se traduire par une stagnation plus longue.
Par ailleurs, la notion de prospérité sera revue à la baisse. Tous les gens bien pensants vous diront que 8 ou 9 pour cent de chômage – peut-être même 10 pour cent – sont la « nouvelle norme », et que seuls des irresponsables voudraient tenter de faire quelque chose en la matière.
Je m’attends donc à plusieurs années de situation terrible sur le marché du travail, avec dans le même temps une paralysie politique.
J’espère me tromper sur tout ceci. Mais j’ai le sentiment que pour avoir un espoir quelconque de sortir de ce piège, Obama et compagnie doivent prendre des risques. Ils doivent proposer de nouvelles mesures qui pourraient ne pas être votées par le parlement, et être prêts à affronter l’immobilisme des Républicains si ces initiatives étaient bloquées.
Ce n’est pas le cas aujourd’hui, pour autant que je le sache, et la stratégie de l’administration consiste à dire que seules quelques corrections mineures de trajectoire sont nécessaires, et à attendre que les emplois commencent à renaître.
Peut-être seront-ils chanceux. Mais l’espoir n’est pas un plan.
Que pouvons-nous y faire ? Les progressistes doivent maintenir la pression. Le temps est passé où l’on pouvait faire confiance à l’administration pour qu’elle entreprenne ce qui est nécessaire – tout porte à croire qu’elle ne le fera pas de sa propre initiative. Mais peut-être, peut-être seulement, est-il possible que le Président soit amené à percevoir le danger qu’il coure en voulant la jouer la sécurité.
On trouve la publication originale du texte dans le New York Times et la version complète de la traduction sur le site Internet Contre Info
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