À quelques heures de la dernière ronde de négociations dans le cadre de la Conférence de Copenhague, alors que beaucoup de discussions se font à huis clos, on peut constater comment nous sommes à des années lumières d’une volonté commune d’agir de la part de tous les dirigeants, malgré un appui solide des populations.
Commençons par ce dernier point. Un sondage paru hier dans USA Today indique que la population étatsunienne est solidement en arrière du président Obama lorsque ce dernier veut réintégrer les Etats-Unis dans la lutte aux changements climatiques. À 55 % pour et 38 contre, les personnes sondées endossent une entente contraignante pour réduire les GES, malgré le fait que 42 % pensent que les mesures qui seront prises dans ce cadre pourraient nuire à la croissance économique alors que 36 % estiment plutôt qu’elles pourraient l’aider.
Mais plus globalement, aux deux-tiers les personnes admettent qu’elles ne savent pas si les nouvelles lois environnementales auront ou non des effets significatifs sur l’économie. Deux sur dix en sont absolument convaincus alors qu’un sur dix est absolument convaincu du contraire. C’est bon signe pour le travail qui reste à faire de sensibilisation. Comme on pouvait s’y attendre, ce sont les jeunes de moins de 30 ans qui appuient le plus les mesures de lutte au réchauffement (66 %) alors que les personnes de plus de 65 ans s’y opposent à 49 % (mais 42 % néanmoins les appuient).
Les Etats-Unis sont donc dans une situation bien plus favorables que sous l’êre Bush pour réintégrer la communauté internationale dans la lutte au réchauffement. Ce n’est pas le cas chez nous. Selon le Climate Action Network–Réseau action climat Canada, des documents du Conseil des ministres dévoilés hier montrent que le système de plafonnement et échange prévu par le ministre de l’Environnement Jim Prentice est si faible qu’il est clair que le gouvernement fédéral n’a pas l’intention d’atteindre ses cibles de réduction des émissions de 2020. C’est ce qui fait la différence entre le Canada et les États-Unis, malgré le fait qu’ils partagent le même niveau ridiculement bas de cible de réduction : étant donné toutes les mesures qui sont déjà mises en place par Obama et par plusieurs États (p.e la Californie), on peut raisonnablement penser que ce pays va aller au-delà de cette cible. Pour le Canada c’est tout-à-fait l’inverse puisque malgré une cible insignifiante, nous sommes persuadés qu’il ne l’atteindra pas. Et les documents dévoilés hier confirment cette impression.
La proposition secrète de plafonnement confirme que le Canada n’a pas l’intention d’atteindre ses cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2020. Des documents émanant Conseil des ministres présentent le plan du gouvernement pour une augmentation massive des émissions reliées au pétrole et au gaz d’ici 2020. Les documents révèlent que le gouvernement du Canada entend mettre en place une approche de réglementation des émissions des secteurs du pétrole et du gaz, manufacturier et minier qui est plus de trois fois plus faible que son plan.
« Ces documents qui ont filtré montrent que le gouvernement du Canada a choisi de développer les sables bitumineux plutôt que de protéger notre climat. Le Canada négocie de mauvaise foi à Copenhague en demandant aux pays pauvres de faire plus tout en planifiant secrètement de faire moins de son côté, » aurait déclaré Steven Guilbeault d’Équiterre. « Ce plan secret est un scandale. Ces documents révèlent que les cibles de réduction des émissions que le Canada présente à Copenhague — aussi faibles soient-elles — sont un leurre », rajoute Graham Saul, du Climate Action Network–Réseau action climat Canada.
Le plan « Prendre le virage » prévoyait que les producteurs de pétrole et de gaz réduisent leurs émissions annuelles de 48 mégatonnes en 2020, par rapport aux niveaux actuels; la nouvelle approche requiert à peine 15 mt de réductions, laissant ainsi les émissions du secteur du pétrole et du gaz à 37 % au-dessus du niveau de 2006 en 2020.
C’est maintenant évident que Stephen Harper ment à la population canadienne. Il la trompe depuis des années en répétant que la mise en place de mesures significatives de lutte au réchauffement aurait des effets dévastateurs sur l’économie. La preuve du contraire est justement le pays hôte de la Conférence : le Danemark. Dès la crise du pétrole du milieu des années 1970, les dirigeants politiques danois ont répondu en proposant au pays une démarche visant l’indépendance énergétique du pays, en particulier par rapport aux énergies fossiles.
Trois décennies plus tard, on constate que l’économie danoise est florissante et signale une productivité globale supérieure à celle du Canada et des États-Unis. Avec les taxes sur les automobiles et l’essence les plus élevées en Europe, les alternatives à l’auto-solo sont en forte croissance; les maisons récentes sont deux fois plus éco-énergétiques que celles construites avant les années 1970; l’efficacité des centrales énergétiques du pays est passée de 40 % à 90 %. Aujourd’hui, 20 % de l’électricité utilisée par les ménages provient de l’éolien. On pense pouvoir atteindre 50 % d’ici une décennie, peut-être deux. L’industrie éolienne (production d’électricité mais aussi production d’équipements) donne du travail à 26 000 personnes et les ventes d’équipements (y compris vers le Québec) représentaient 7,6 % des exportations du pays en 2008.
La lutte aux changements climatiques mène au désastre économique ? Foutaise ! Au Canada elle n’affecterait que les Sheiks du pétrole d’Alberta.
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