Bien sûr, les grandes entreprises manufacturières, de l’économie plus traditionnelle, représentent les exemples les plus visibles des grands pollueurs en carbone de la planète. Leurs grandes cheminées restent les parfaits symboles de leurs impacts. Mais on sait aussi que le secteur des services n’est pas blanc comme neige : les utilités publiques (fournisseurs d’électricité) et les transporteurs (transport aérien) font partie du groupe des grands émetteurs de CO2. Mais on oublie trop souvent de viser un acteur important de cette économie carbone : les institutions financières.
L’argent aussi émet du CO2. Comme nous le relatent nos camarades de l’organisation belge Financité, Paul Hermant affirmait sur les antennes de la radiotélévision belge le 3 décembre dernier : « Vous allez me dire mon cher Pascal, comment une banque peut-elle polluer l’atmosphère, on veut dire, la vraie ? Ben, c’est simple, en finançant et en investissant dans des projets polluants. Car comme dit le WWF, rénover des agences en haute qualité environnementale est évidemment louable, mais regarder à ce qu’on finance le serait plus encore. Ce qui fait que là où le secteur de l’aviation dépense 105 millions de tonnes équivalent CO2, les banques en dispensent 3 680 millions ».
Ces chiffres sont tirés d’une étude de Vigeo et du WWF qui s’inspire d’une méthode appliquée par la Caisse d’Epargne. Celle-ci considère l’influence qu’ont les activités de financement (crédit), de couverture des risques (assurances) et de placements financiers (achat ou gestion d’actifs), sur les activités économiques des ménages, entreprises et pouvoirs publics, et donc sur les émissions associées à ces activités.
On connaît l’importance que peut avoir la finance sur la vie des entreprises. Une vision financière « fondamentaliste », qui poursuit aveuglément l’objectif de maximisation du rendement financier, peu en importe les coûts économiques, sociaux et environnementaux, constitue donc un risque majeur, et même un risque financier lorsque l’on regarde sur le long terme. Pour sûr, l’argent est le nerf de la guerre… y compris au réchauffement climatique.
D’après Vigeo et le WWF France, sur les 56 institutions bancaires européennes étudiées, 30 % n’ont pris aucun engagement environnemental sur leurs politiques de crédit, pourcentage qui monte à 40 % pour les politiques d’investissement. Seules 4 de ces 56 institutions bancaires fournissent des objectifs quantifiés. Pour la plupart, la méthodologie développée est vague et dépasse rarement… 1 % du montant du portefeuille ! Cette moyenne masque évidemment des situations très contrastées. Dans le domaine de l’assurance, les scores sont assez similaires.
Les institutions financières doivent donc passer des beaux principes à l’action concrète et significative. L’étude propose qu’elles donnent la priorité au financement d’habitats, de transports et de projets industriels moins émetteurs, qu’elles mettent au point un étiquetage carbone crédible des actifs et des produits financiers, et qu’elles se conduisent en actionnaires plus impliqués dans la réorientation des activités économiques.
Rendre la société plus sobre en émissions de carbone est une urgence qui ne peut pas être l’affaire des seuls États. En assumant leurs responsabilités sociales, les managers de la finance permettraient le développement d’innovations utiles à tous comme à eux-mêmes !
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