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Le samedi 23 avril 2022

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Copenhague : trois raisons pour un échec

AlterEcoL’auteur invité est Philippe Frémeaux, directeur d’Alternatives Economiques

La déception à l’issue du sommet de Copenhague n’est pas une surprise. Les chefs d’Etat n’ont pas réussi à prendre de décision contraignante en raison de leur horizon politique limité à quelques années, de l’absence de gouvernement mondial et des inégalités entre Etats.

Le seul résultat tangible du sommet de Copenhague aura donc été une déclaration de principe affirmant la nécessité de limiter la hausse des températures à 2° C maximum sans que rien ne soit réellement précisé sur les moyens d’y parvenir. La définition des engagements des uns et des autres, en termes d’émissions de gaz à effet de serre ou d’aide aux pays en développement, a été repoussée au mois de janvier. Aucun mécanisme de financement innovant n’a été institué et le projet d’Organisation mondiale de l’environnement (OME) cher à Nicolas Sarkozy demeurera dans les cartons. Et si un nouveau traité voit le jour, ce sera au mieux lors de la conférence de Mexico, à la fin 2010.

L’échec du sommet n’est pas une surprise. Il doit d’ailleurs être relativisé : l’ensemble des chefs d’Etat des pays les plus puissants de la planète ont fait le déplacement ; ils voulaient tous être sur la photo, compte tenu de l’importance de l’enjeu. Pour autant, leurs positions de départ étaient trop éloignées pour aboutir à un accord. N’oublions pas qu’il y a un an encore, le discours officiel du gouvernement des Etats-Unis était qu’il n’y avait pas de problème de réchauffement climatique. Une conviction encore partagée par une grande partie de l’opinion américaine. De son côté, un pays comme l’Inde, début novembre, refusait encore tout engagement au nom de son libre droit au développement.

Les positions se sont donc plutôt rapprochées, même si la distance séparant les uns et les autres est demeurée trop forte pour aboutir à un accord. Les pays riches, qui réclament une réduction globale des émissions de gaz à effet de serre de 50 % en 2050, étaient prêts à s’engager pour leur part à les réduire de 80 %, mais ils restaient bien timides, y compris l’Union européenne, dès lors qu’il s’agissait de s’engager sur des objectifs pour 2020, objectifs qui auraient rendu la promesse pour 2050 crédible. De leur côté, les pays émergents les plus peuplés − Chine et Inde au premier chef − ont refusé de limiter fortement la croissance de leurs émissions. Enfin, la Chine s’est opposée à ce qu’un mécanisme international de contrôle soit mis en œuvre.

Cet échec témoigne de la difficulté qu’a l’humanité de faire face aux menaces globales auxquelles elle est confrontée. Et cela, pour trois raisons. La première raison tient au temps du politique. Pour nos dirigeants, l’important, c’est la prochaine élection, qui a lieu au mieux dans cinq ans, le plus souvent dans quelques mois. Barack Obama, en dépit de son intérêt sans doute sincère pour le sujet, était plus préoccupé ces jours-ci par le vote du Sénat sur sa réforme de la santé. Au-delà des mots, prendre des mesures fortes au nom d’une menace lointaine − même certaine − suppose d’y être fortement poussé par l’opinion publique et les médias, ou par de puissants intérêts. Or l’opinion publique est assez versatile : prête à s’émouvoir devant un ours en détresse sur son iceberg, elle râle quand on lui impose une taxe carbone. Le vendredi où se concluait la conférence, le journal de France 2 a ouvert sur les intempéries et la grève des « dabistes » à la veille de Noël.

Copenhague n’est venu qu’au bout de douze longues minutes. On peut se demander si cela aurait été le cas si la rédaction de la chaîne avait été réellement convaincue qu’il s’agissait d’une question de vie ou de mort pour nous et pour nos enfants… Quant aux puissants intérêts, ils poussent plutôt en sens inverse, hormis quelques assureurs qui redoutent la multiplication des catastrophes climatiques et les producteurs d’énergies renouvelables.

La seconde raison tient à l’espace du politique. Il n’existe pas de gouvernement mondial qui puisse coordonner les efforts des uns et des autres. Les Nations unies ont joué un grand rôle dans la prise de conscience des risques liés au changement climatique, notamment via la mise en place du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), mais elles montrent leur limite dès lors qu’il faut prendre des décisions concrètes. On voit bien que la tentation est forte pour chacun d’attendre que les autres agissent pour s’y mettre. Et cela d’autant plus, et c’est la troisième raison, que nous vivons dans un monde inégalitaire. Les pays émergents ne voient pas pourquoi ils devraient investir pour réduire l’intensité énergétique de leur croissance, alors que leurs émissions de CO2 par tête demeurent très inférieures à celles des habitants des pays riches. Ils réclament, à juste titre, le droit de rattraper le niveau de vie de ces derniers et leur reprochent, également à juste titre, d’être à l’origine de l’essentiel du stock de gaz à effet de serre. Ce qui est vrai au niveau international s’observe aussi au niveau national : le ménage pauvre qui habite dans un petit pavillon de banlieue ne voit pas pourquoi il devrait payer plus cher sa cuve de fuel pour cause de taxe carbone quand les plus aisés continuent à faire les soldes à New York en profitant de la faible valeur du dollar…

On serait tenté de sombrer dans le pessimisme le plus noir s’il n’y avait pas quelques raisons d’espérer. La sensibilisation de l’opinion progresse à l’échelle mondiale, et pas seulement dans les pays riches, comme l’ont montré la mobilisation des ONG et la puissance des manifestations qui se sont déroulées durant le sommet. La nécessité de lier écologie et lutte contre les inégalités est de plus en plus perçue. Enfin, un nombre croissant de décideurs politiques et économiques considèrent, dans l’esprit du rapport Stern, que les gagnants, dans le monde de demain, seront ceux qui auront agi les premiers pour réorienter leur économie dans un sens réellement soutenable.

Tiré du magazine Alternatives Economiques

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