Conduite par l’organisation étatsunienne Ceres (coalition regroupant des institutions financières, des groupes environnementaux et d’autres groupes d’intérêt), plusieurs grands investisseurs institutionnels ont réclamé de la SEC (Securities and Exchange Commission) qu’elle oblige dorénavant les entreprises inscrites sur les bourses des États-Unis à déclarer dans leurs rapports financiers leurs risques financiers climatiques.

Parmi les 20 signataires de la lettre-pétition, on trouve les leaders étatsuniens de la finance responsable : CalPERS et CalSTERS (les caisses de retraite des employés et des enseignants de l’État de Californie), Pax World Management Corporation (fonds éthique), Friends of the Earth, Environmental Defense Fund ainsi que les « ministres » des Finances de près d’une dizaine d’État (Californie, New York, Floride, etc.). Ensembles, ils gèrent des actifs de 1 000 milliards $. Selon eux, il est aujourd’hui pratiquement impossible de réaliser adéquatement une analyse de risque financier des entreprises dans lesquelles ils placent leurs actifs puisque les entreprises n’ont aucune obligation de déclarer comment les changements climatiques et leurs divers impacts pourraient affecter leur performance financière.

La démarche de ces investisseurs est donc de réclamer de la SEC qu’elle oblige les entreprises à réaliser une triple reddition de compte dans leur rapport annuel. La SEC devrait, selon eux, imposer un guide interprétatif qui exposerait les divers risques matériels liés aux changements climatiques : p.e., la mise en place de nouvelles réglementations (quotas de CO2), impacts environnementaux, nouvelles opportunités, etc., que les entreprises seraient obligées d’aborder dans leur rapport financier.

« CalPERS protects workers’ retirement benefits, and climate change poses both great risks and opportunities to these investments », déclare Anne Stausboll, pdg de CalPERS, la plus grande caisse de retraite publique avec ses 200 milliards $ d’actifs. Mindy Lubber, présidente de Ceres, renchérit en expliquant : « Climate change is without question a material risk to businesses, and ignoring it is a disservice to investors. We need to measure and disclose these risks so that both investors and companies can make financially-sound decisions. »

On sait que la Chambre des représentants a voté pour le Climate and Energy Bill et que le Sénat travaille lui aussi sur une version qui devrait conduire à la mise en place d’un marché de quotas de CO2. Par ailleurs, l’EPA a récemment définie les GES comme des polluants qui nuisent à la santé publique, ce qui permettra à l’Administration fédérale de dorénavant passer des mesures réglementaires de contrôle sans être obligé de passer devant le Congrès. Les entreprises auront donc un environnement réglementaire de plus en plus contraignant face à l’enjeu du climat.

Dans ce contexte, il est de plus en plus urgent pour les gestionnaires de fonds responsables de pouvoir distinguer entre les entreprises responsables, celles qui semblent l’être alors qu’en réalité ils ne font que du greenwashing, et finalement celles qui sont carrément irresponsables. C’est la mission des organismes de contrôle de surveiller les pratiques d’entreprises dans le domaine de la reddition de compte. D’ores et déjà, les règles de transparence et de divulgation constituent la base des lois en valeurs mobilières. Malheureusement, ces règles s’enferment dans la vision la plus étroite de la finance. Ce qu’il faut faire, maintenant, c’est l’élargissement des obligations aux aspects social et environnemental de l’activité des entreprises, en commençant par ceux qui peuvent avoir des incidences directes sur la performance financière de long terme de ces entreprises. C’est une révolution comptable qu’il faut faire !