L’Institut de recherche en économie contemporaine (IREC) vient de dévoiler les résultats d’une recherche portant sur l’impact de la crise financière sur les régimes complémentaires de retraite au Québec. Selon cette étude, les principaux indices disponibles caractérisant la situation globale des caisses de retraite au Québec depuis 2007 tendent à démontrer deux choses : que les pertes encourues à travers la crise sont majeures, et que les caisses de retraite semblent avoir constitué l’angle mort des plans de sauvetage financiers.
« Non seulement les régimes de retraite complémentaires ont-ils subi des pertes majeures lors de la crise de 2008, mais ils ont été l’objet d’aucun plan de sauvetage. La récente crise montre que les régimes complémentaires de retraite sont très vulnérables », ont déclaré Frédéric Hanin et Éric Pineault, chargés de projet pour l’IRÉC et respectivement professeur de relations industrielles à l’Université Laval et professeur au département de sociologie à l’Université du Québec à Montréal.
En effet, si les pouvoirs publics ont investi des sommes impressionnantes pour acheter des actifs du secteur bancaire et financier au Canada (achat de prêts hypothécaires des banques pour un montant de 58 milliards, un encours de prêts qui a atteint un sommet de 41 milliards de dollars en décembre 2008), les régimes de retraite, principaux gestionnaires de la dette sociale, n’ont pas eu le droit au même degré d’attention. Au Canada, à la fin du second semestre 2008, la valeur des actifs des caisses de retraite d’employeurs qui emploient environ 4,8 millions de personnes a diminué de 140,8 milliards de dollars pour s’établir à la fin de l’année 2008 à 810,9 milliards de dollars, soit une réduction de 15 pour cent par rapport au sommet de 2007. À la fin du premier trimestre 2009, les caisses de retraite avaient perdu au Canada un montant supplémentaire de 19,8 milliards de dollars. Par rapport au quatrième trimestre de 2008, les cotisations ont baissé d’environ un milliard $, les revenus de placement ont baissé de 3,3 milliards de dollars et les pertes nettes sur la vente des titres s’élèvent à 17,3 milliards $.
« L’impact de la crise financière sur les régimes de retraite est une question sociale cruciale, car elle concerne une grande partie de la population, autant les retraités eux-mêmes que les futurs retraités. Le système de revenu de retraite au Canada et au Québec a évolué d’un régime qui verse une rente à partir de transferts intergénérationnels vers un régime d’épargne-retraite collective et individuelle qui accumule des fonds à partir de placements dans des véhicules financiers. Ce mouvement de « financiarisation » contribue au sentiment d’insécurité des retraités et des futurs retraités, alors que le système de retraite a justement été conçu pour améliorer la sécurité économique et sociale de l’ensemble de la population. C’est l’un des principaux constats que la récente crise financière a bien mis en évidence », affirment les deux chercheurs.
Plusieurs constats se dégagent du tableau de bord des régimes de retraite au Canada :
• Les placements « alternatifs » hors actions et obligations ont pris une proportion importante dans l’actif des caisses de retraite, ce qui pose la question de l’impact économique de ces placements ainsi que les formes de réglementation qui s’appliquent à ce type de placements.
• Le montant des pertes liées à la crise financière de 2008 impliquerait, toutes choses égales par ailleurs, une multiplication par quatre du niveau des cotisations actuelles.
• La réglementation actuelle ne permet pas de connaître le circuit d’utilisation du capital accumulé par les caisses de retraite et leur contribution au développement de l’économie et de l’emploi au Canada ou au Québec.
• Il n’existe pas actuellement de structure d’information permettant d’établir les liens entre les caractéristiques des emplois des personnes qui cotisent à un régime de pension et les politiques mises en place par les caisses de retraite qui gèrent les fonds accumulés par les cotisations au titre des régimes de retraite. La réglementation actuelle sur les régimes complémentaires de retraite conduit ainsi à une privatisation des gains et à une socialisation des pertes.
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